Google, IA et détection de sampling : les producteurs témoignent

Souvenez-vous, nous avions écrit un article concernant l’algorithme de l’Assisant Google découvert par cet utilisateur de WhoSampled qui arrivent à détecter des samples de moins d’une seconde, même pitchés et reversed. Guettapen a voulu récolter l’avis et les sentiments des producteurs cités dans l’article, ainsi que les nouveaux talents House qui débutent leurs projects bien typés French Touch. A la barre, sont demandés : Kramder, Honey & Badger, 87100, Sellier et Pokeyz.

KRAMDER, DJ / Producteur

Honnêtement, j’espère que les artistes samplés ne dérangeront pas le système qui est en place. Car c’est une manière de travailler qui est ancrée dans 90% des morceaux qui sortent tous les jours ! Le sample c’est le nerf de la guerre aujourd’hui, il y en a partout. Donc technologiquement c’est fou, ça permet de voir quel artiste a utilisé quel sample, pouvoir se dire « Putain, c’est fort ».

Juridiquement, ça va évidemment poser des problèmes de censure et d’autocensure du coup. Je suis un peu inquiet honnêtement, j’espère juste que les artistes samplés resteront fiers d’en inspirer d’autres, et que l’opinion publique ne sera pas étonnée d’enfin voir que les 3/4 de ce qu’ils écoutent ont un sample dedans.

Kramder

HONEY & BADGER, DJ / Producteur

En fait, je pense que ça dépend l’utilisation que t’en fais. C’est cool pour le lambda qui veut découvrir les samples, en se disant « ah ouais, le producteur là il a bien retouché le sample de base ». Mais si c’est pour une utilisation à des fins légales, passer tous les morceaux au peigne fin, voir qui a samplé quel micro-truc, ça gâche l’esprit du sampling.

Bon, quand tu samples une grosse boucle, oui il faut rémunérer l’ayant droit, mais si tu samples juste une snare, ou tu as juste pitché et stretché un son et qu’on te détecte pour ça … Ca va gâcher l’esprit. Après oui t’es pas censé piquer des trucs qui t’appartiennent pas, c’est le jeu. On va voir ce que ça donne dans le futur, j’ai pas un avis tranché aujourd’hui. Mais j’ai peur que ça stigmatise l’esprit du sampling, j’ai peur qu’il y ait de moins en moins de gens qui s’y mettent, peur de se faire flag pour ça par cet IA.

Honey & Badger

87100, DJs / Producteurs

Le sampling fait partie de mes habitudes de production, j’ai toujours aimé manipuler les samples à ma sauce pour ne plus les reconnaître par la suite. Le débat pour moi est plus de savoir ce que vont faire les ayants droit des morceaux, car le sampling existera toujours, mais comment rendre ça gagnant/gagnant pour les deux parties sans que ça aille jusqu’à faire parler les avocats.

Alexis de 87100

J’ai toujours été inspiré par la vibe « French Touch » dès mon plus jeune âge, pour moi le sampling une méthode de travail ou les possibilités sont infinies, notre projet 87100 s’inspire de tous ces artistes, de ce mouvement. Voir une IA suffisamment puissante pour détecter des samples même très courts c’est complètement fou. Je rejoins Alexis sur le côté légal, le sampling perdurera. Cette IA est-elle ici pour « dénoncer » ? Comment trouver le terrain d’entente entre les parties pour donner le droit de sampler et de quelle manière ?

Adrien de 87100

SELLIER, DJ / Producteur

À mon sens, non, cette IA n’est pas une menace. Aujourd’hui, tous les sons signés qui utilisent un sample doivent obligatoirement être « clearés ». Autrement dit, chaque son qui utilise un sample doit avoir l’accord du créateur du morceau d’origine de l’utiliser.

En plus de cela, l’utilisateur du sample doit lui accorder des royalties. Si les choses sont faites dans les règles, pas de mauvaise surprise avec l’algorithme de Google : c’est juste une information qui est donnée sur l’inspiration d’origine. Le « vol » de sample se fait essentiellement au niveau amateur pour des producteurs qui postent leurs créations sur des plateformes comme Soundcloud sans demander de rétribution financière.

Sellier

POKEYZ, label manager de « La Couleur Records »

En fait je pense il faudrait mettre en place une licence globale, via les systèmes de la SACEM car ça va devenir intenable. Je pense que la technologie est un outil, donc en soi c’est ni bon ni mauvais, en revanche, c’est l’utilisation que l’on va en faire qui va être déterminante ! Est-ce qu’on va s’en servir pour fliquer tout le monde et ruiner l’énorme travail créatif qui a été fait avec le sampling et la House, ou va-t-on permettre que cela puisse continuer en trouvant une manière juste de redistribuer les royalties sans pour autant que ça devienne un frein à la création ?

Pokeyz

Conclusion

La plupart des interviewés nous font aujourd’hui part de leurs inquiétudes quant à cette nouvelle technologie car elle va de facto changer la donne dans tout genre de musique qui utilise du sampling. On parle ici de la House, mais le Rap & Hip-Hop sont aussi dans la ligne de mire de cet outil. Un outil au service de tous qui aujourd’hui va servir à référencer WhoSampled.com mais qui demain, utilisé par les majors détentrices d’énormément de droits, peut s’avérer être le Big Brother de la musique électronique. Des artistes établis aux talents émergents, la prudence va être de mise.