Diplo livre ses vérités sur l’industrie dans une nouvelle interview

De retour en grande pompe le mois dernier avec son « premier vrai album depuis Florida » (sorti en 2004) en signant un opus éponyme, Diplo s’affiche partout ces derniers mois. Le caméléon agitateur de la scène électronique défend ici une nouvelle direction artistique autour des sonorités House et plus généralement underground, avec une certaine désinvolture qui lui permet de s’afficher aussi bien à Coachella, au festival country Stagecoach ou dans des block party improvisées dans les rues de nombreuses grandes villes.

Celui qui se vend comme un infatigable touche à tout a accordé récemment une interview au magazine Office dans laquelle il aborde de nombreux sujets, notamment liés à sa vision de l’industrie de la musique.

« Le marketing des labels, c’était : tiens DJ Snake, voilà des demos de Cardi B. Tu peux mettre ton nom dessus car on n’en veut pas. Et si tu fais de l’argent avec, on en fera aussi. J’ai également fait partie de cette époque paresseuse ».

Diplo pour Office Magazine

Alors que son album décline de manière assumée d’un mélange entre le songwriting pop de Diplo et les productions pointues de nombreux collaborateurs tels que Damian Lazarus, Andhim ou Rampa, on ne peut s’empêcher d’avoir la sensation que les codes pop auront progressivement envahi la sphère électronique ces dernières années, jusqu’aux recoins les plus underground de celle-ci. Diplo revient sur ce phénomène:

« Il y a eu en effet une vague de mecs qui ont mélangé dance et pop. Par exemple, si Selena Gomez avait un tas de demos et qu’elle avait peur de sortir elle-même, elle les donnerait à Kygo et ce serait lui qu’on blâmerait si le titre est mauvais. C’était l’idée marketing qu’avaient les labels – tiens, DJ Snake, voici un tas de chansons de Cardi B. Tu peux sortir ça parce qu’on ne veut pas le faire. Et si tu fais de l’argent avec, on en fera aussi. J’ai également fait partie de cette époque paresseuse. Je l’ai commencée avec « Lean On » – on n’avait pas de chanteuse pop dessus, mais c’était la première, disons, chanson pop avec une production électronique. C’était indépendant et c’était le premier disque de dance numéro un à l’international de ce type. »

Une sortie un peu surprenante alors qu’on pourrait penser que ce concept remonte tout de même plus loin que « Lean On », notamment avec des acteurs tels que David Guetta ayant déjà démocratisé les associations Producteurs/Popstars aux sommets des charts. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une époque révolue selon Diplo.

« Tout le monde s’est dit, putain, c’est un cheat code. C’est parti aussi vite que c’est arrivé – aujourd’hui on ne peut plus feater avec des stars. Tout le monde s’en fiche. Il faut avoir TikTok derrière soit. Tu as besoin de toute cette merde pour te soutenir. Donc, la meilleure chose qu’on puisse faire est de continuer à sortir de super disques et d’espérer qu’ils trouveront l’étincelle dont ils ont besoin pour exploser. Mais oui, la dance existe toujours.

Maria José Govea

« Ma mentalité est clairement celle de la quantité plutôt que de la qualité, c’est probablement la pire manière de bosser mais c’est la mienne ».

Diplo pour Office Magazine

Tout serait donc une question de chiffres pour Diplo ? L’américain assume. « Tout à fait. En tout cas de nos jours, oui. J’ai été forcé à adopter cette mentalité. Je ne voulais pas être ce genre de mec mais la street a fait de moi qui je suis. »

Dans cette chasse perpétuelle à l’attention et au succès, le floridien peut compter sur un nombre croissant de talents créatifs avec lesquels collaborer. « Avant il y avait toutes ces règles autour de la House et la Techno. Même un pote comme Mark Ronson n’aurait pas voulu collaborer avec moi. Il était trop occupé à regarder ce que disait la presse spécialisée au lieu d’aller vers ce qui est excitant. Beaucoup ont cette mentalité et ne vivent que pour plaire aux critiques ». Cette ère semble bel et bien derrière nous, la preuve en observant la tracklist de l’album « Diplo » et sa pléiade de pointures underground.

Ce recul des apparences, de la préservation de l’image, de la hype et de l’influence des criques musicales font le jeu de Diplo. « Faisons le plus de bruit possible. Rien à foutre. Si je sors une centaine de titres, un finira par buzzer sur TikTok et un autre sera nominé aux Grammy. Ma mentalité est clairement celle de la quantité plutôt que de la qualité, c’est probablement la pire manière de bosser mais c’est la mienne ».

« Le premier album de Diplo depuis 2014 ? C’est 100% un terme marketing de mon label. »

Diplo pour Office Magazine

Quand on produit à un rythme aussi effréné que celui de Diplo, à l’image de sa vie d’artiste passée le pied collé à l’accélérateur, on finit par avoir plus de tracks sur les bras que pourrait le supporter son calendrier de sorties. Reste à proposer ce fourre-tout sous forme d’album. Ou plutôt une mixtape? « Le premier album de Diplo depuis 2014? C’est 100% un terme marketing de mon label. C’est correct mais j’ai déjà fait des millions d’albums sous d’autres noms – Je ne considère même pas ça comme un album, je pense que le concept d’album n’existe plus vraiment. The Weeknd est le dernier mec à essayer d’en faire ».

Le boss de Mad Décente enchaîne, « Pour moi, cet album c’est juste un paquet de tracks Dance que je sors d’une traite et puis tu en ajoutes d’anciennes qui ont bien marché pour montrer de beaux chiffres en première semaine. Par exemple, « On My Mind » est sorti il y a quatre ans. C’est juste un concept pour plaire à l’industrie. Mais je pense par contre que c’est la première fois que je fais un album et que je consacre mon énergie à le commercialiser, à faire des photos de presse etc. Je n’avais jamais vraiment fait ça. Donc, j’espère que ça plaira aux gens. En tant que producteur, vu que je travaille si vite, je suis déjà sur la prochaine ère. Je vais faire bouger les genres vers la musique gospel sud-africaine désormais. Je suis toujours aussi psychopathe. Je bouge vite.

Retrouvez l’entrevue originale « Making Love Out Of Nothing At All » dans son intégralité en cliquant ici.