Louisahhh répond à nos questions à l’occasion de la sortie de son premier album

Louisahhh n’est pas connue pour faire dans la dentelle. La patte de sa musique transcende les genres, allant de la Techno Indus au punk, véritable frontière brouillée entre le monde de la musique électronique et du Rock, alliant la violence des deux. Aujourd’hui sort l’apogée de cette violence sonore, son début album intitulé « The Practice of Freedom ». Foncièrement politique (vous allez voir l’interview juste après), cette oeuvre met sur la table les combats de l’américaine résidente à Paris. Avec des titres aussi évocateurs que « Master », « Corrupter », ou encore « Chaos », doublés d’une signature sonore distincte composée en tandem avec son producteur Vice Cooler, Louisahhh propose un son assez varié malgré ses textures industrielles.

On y retrouve certes de la violence pure avec « Love Is A Punk » et « Chaos » qui pourrait se retrouver comme musique d’ambiance dans un black-bloc, mais aussi de la poésie avec « Master » qui baisse le tempo et sélectionne des sonorités propres et évadantes. L’influence de Gesaffelstein, Boys Noize et de Nine Inch Nails est palpable avec ces sons stridents, distordus et bruités, tout droit sortis d’une usine désaffectée. Parmi les sons les plus représentatifs de l’album, « Numb, Undone » offre un bon aperçu de la couleur grise et sombre de l’album, avec la voix de la chanteuse sur-saturée, ses coups de M16A4 et ses sonorités informatiques réverbérées.

En définitive, un sacré album raw et puissant, à paraître sur HE.SHE.THEY., label dédié à l’émergence des talents issus des catégories sociales minoritaires. En bonus, Louisahh a nous accordés quelques minutes pour parler de son album.

VERSION FRANCAISE

Guettapen : Pourquoi as-tu choisi cette année et ce moment pour lancer ton premier album ?

Louisahhh : J’ai essayé de sortir cet album depuis 2018, et une série d’événements malheureux l’a empêché de sortir. Au début, personne ne voulait signer un son aussi hard, puis j’ai changé toute mon équipe de management, puis il y a eu cette pandémie mondiale, et enfin l’accord de disque qui s’est finalement produit parce que nous avons trouvé un label assez fou pour nous donner une chance et cela a pris environ 9 mois pour négocier le contrat et signer; c’était vraiment difficile de sortir cet album. Cependant, j’ai l’impression que le monde est dans un tel état de colère, de peur, de frustration et de désir que quelque chose comme « The Practice Of Freedom » peut être réellement utile et nécessaire. Le timing est bon, je pense.

G : Comment définirais-tu ton son ? Pour nous, le type de son le plus proche que nous connaissons ici est l’album de Gesaffelstein en 2013, « Aleph », mais c’est aussi une invitation à la musique Punk. Mélange unique entre le genre !

L : Merci pour la comparaison, « Aleph » est un excellent album. J’ai inventé l’expression « Pop Industrielle Post-Alternative » pour la direction dans laquelle je me dirige parce qu’elle puise son inspiration dans la musique américaine de la fin des années 90 où les groupes de rock commençaient à utiliser beaucoup d’électronique dans leur son. Par exemple on peut citer « Version 2.0 » de Garbage et « Adore » de Smashing Pumpkins, qui sont de grandes influences pour moi.

La production de mon album, par Vice Cooler, qui n’est pas du tout issu de la musique Dance, a utilisé beaucoup de bruits abrasifs (donc « industriels ») pour faire ces chansons. Mais aussi des samples de grenouilles, chiens, mitrailleuses, orages, essaims d’abeilles et d’hélicoptères, en plus d’un MS20 cassé et d’un DFAM Moog. Je pense que la façon dont Vice et moi travaillons ensemble est assez Punk Rock (Vice fait beaucoup de batterie live dans son salon, c’est le meilleur, soit dit en passant), en plus du travail avec mon crew, surtout depuis que j’ai fondé le label RAAR avec Maelstrom, dont le but est de faire du « Punk Rock pour les fans de Techno et de la Techno pour les Punk Rockeux». L’idée d’être courageux et innovateur, d’avoir une intégrité, d’être généralement perturbateur et anarchique est un horizon, un but, et je pense que c’est ce qui ressort de ma musique.

G : Quelles sont tes principales influences ? Nous pouvons deviner Nine Inch Nails par exemple, n’est-ce pas ?

L : Je suis une grand fan de Nine Inch Nails; je ne pense pas qu’il y ait un autre groupe de rock moderne plus ambitieux qui continue d’innover en live et en production. Nine Inch Nails m’a donné accès à un spectre plus large et plus intense de mes propres sentiments, et m’a permis de nommer les émotions que je ressens depuis mes années pré-adolescentes; Je leur suis tellement reconnaissante pour cela parce que je pense que cela m’a permis de survivre. De toute évidence, on retrouve dans la même lignée David Bowie et Iggy Pop, et une liste de femmes toutes aussi extraordinaires : Shirley Manson, Chrissie Hyde, Patti Smith, Siouxie Sioux, Karen O, Kathleen Hanna.

G : Pourrais-tu nous dire ce que tu utilises en studio ? Quels sont tes VTS, synthés, DAW préférés ?

L : Je suis une très mauvaise productrice. J’utilise Logic Pro X, un petit Apogee Duet et un micro Shure Beta 58 pour enregistrer ma voix (même si je viens d’investir dans un micro studio et un pré-ampli plus sympas). Tous les personnes avec qui je collabore sont habituellement sur Ableton. J’ai sinon quelques machines et une magnifique Fender Jaguar 65, mais actuellement l’instrument avec lequel je travaille est ma voix, et je me concentre vraiment sur l’écriture et mon chant.

G : Nous savons aussi que tu es très engagée politiquement avec ta musique. Quelles sont les idées que tu veux communiquer dans cet album ?

L : Cet album parle de l’indépendance et de l’expression sexuelles (surtout féminins), et des pratiques libertines, quelque soit le genre. Une grande partie de mon intention, pendant la conception de ce disque, était vraiment de découvrir ma propre identité sexuelle, et de voir cela entrer en conflit et démanteler beaucoup de vieilles idées reçues sur la façon dont je devais apparaitre pour être aimée ou acceptée. C’est certainement un message perturbateur dans un monde où les corps sont constamment surveillés et contrôlés, et où le patriarcat capitaliste et le suprémacisme blanc sont les cultures dominantes. Mon grand espoir est de voir les gens entrant en contact avec cette musique se révéler et qu’ils puissent pratiquer leur propre sexualité, même de manières subtiles.

G : Pourquoi as-tu choisi de combiner la politique et la musique alors que, de nos jours, la plupart des artistes n’intègrent pas la politique dans leur communication sur les réseaux et dans leur musique ? Cela veut-il dire qu’ils ont, par exemple, peur et pas toi ?

L : Pour moi, être vue sur une plateforme est un privilège, et si j’ai conscience de ce privilège, j’ai l’obligation de l’utiliser, surtout en période de troubles politiques.

ENGLISH VERSION

Louisahhh is not known to do lace. The paw of his music transcends genres, ranging from Techno Indus to punk, a real blurred border between the world of electronic music and Rock, combining the violence of both. Today comes out the climax of this sound violence, his debut album entitled « The Practice of Freedom ». Fundamentally political (you will see the interview shortly after), this work puts on the table the struggles of the American resident in Paris. With titles as evocative as « Master », « Corrupter », or « Chaos », coupled with a distinct sound signature composed in tandem with its producer Vice Cooler, Louisahhh offers a rather varied sound despite its industrial textures. 

We certainly find pure violence with « Love Is A Punk » and « Chaos » which could be found as background music in a black block, but also poetry with « Master » which lowers the tempo and selects clean and evasive sounds. The influence of Gesaffelstein, Boys Noize and Nine Inch Nails is palpable with these strident, distorted and loud sounds, straight out of a disused factory. Among the most representative sounds of the album, « Numb, Undone » offers a good overview of the gray and dark color of the album, with the voice of the oversaturated singer, her M16A4 shots and her reverberated computer sounds. Finally, a powerful raw album, to be released on HE.SHE.THEY., a label dedicated to the emergence of talents from minority social categories. As a bonus, Louisahh has granted us a few lines on her album :

Guettapen : Why did you choose this year and this moment to unleash your debut album ?

Louisahhh : I’ve been trying to release this album since 2018, and it was a series of unfortunate events that prevented the music from coming out.  Initially, no one wanted to sign such a challenging body of work, then I changed my whole management team, and then there was a global pandemic, and finally the record deal that finally happened because we found a generous label crazy enough to take a chance on me took about 9 months to negotiate and sign; it was really challenging getting this album to the moment of release.  However, I feel like finally the world is actually in a state of anger and fear and frustration and longing that something like ‘The Practice of Freedom’ actually feels vital and necessary.  The timing, it turns out, is right.  

G : How do you define your agressive sound ? To us, the closest type of sound we know here is Gesaffelstein’s album in 2013, « Aleph » but it’s also an invitation to punk music. Unique mix between the genre !

L : Thank you for the comparison, ‘Aleph’ is a great record.  I have coined the phrase ‘post-alternative industrial pop’ for the direction that I’m heading in because it takes a lot of notes from American music of the late ‘90s where rock bands were starting to use a lot of electronics, for example Garbage’s ‘Version 2.0’ and Smashing Pumpkins ‘Adore’ are big influences. 

The production of the album, by Vice Cooler, who is not at all from a dance music background, utilized a lot of insane noises (hence, ‘industrial’) to make these songs, everything from frogs and dogs and machine guns and storms and swarms of bees and helicopters, in addition to a broken MS20 and a Moog DFAM. I think the way in which Vice and I work together is quite punk rock (Vice does a lot of live drums in his living room, it’s the best), and my credo, especially since founding the label RAAR with Maelstrom, is to do ‘punk rock for techno heads and techno for punk rockers’.  The idea of being courageous and innovative and having integrity and being generally disruptive and anarchic is a bright North Star, and I think that comes through in my music.  

G : What are your main influences ? We can guess Nine Inch Nails for example, is it right ?

L : I’m a huge fan of Nine Inch Nails; I don’t think there is a more relevant modern rock band who keeps innovating in both live and production spaces.  Nine Inch Nails gives me access to a more broad and intense spectrum of my own feelings, and has allowed me to name and contact those emotions since my pre-teen years; I am so grateful for this because I think it allowed me to survive. Obviously in the same genealogy is David Bowie and Iggy Pop, and a litany of amazing, ferocious women: Shirley Manson, Chrissie Hyde, Patti Smith, Siouxie Sioux, Karen O, Kathleen Hanna these have all been like light posts that allowed me to follow a path into my own power and sound.  

G : Can you tell us what do you use in the studio ? What are your favorite VTS, synths, your DAW ? 

L : I am a trash producer.  I use logic and a little apogee duet and a shure beta58 to record vocals (though I just invested in a nicer studio mic and pre-amp, so that’s thrilling).  Everyone I collaborate with is typically on ableton. I have a few machines and a beautiful ‘65 Fender Jaguar but presently the instrument I’m working with is my voice, and really focusing on my writing and singing.   

G : We also know you’re very into politics with your music. What are the ideas you want to communicate in your album ?

L : This album is about (especially female) sexual empowerment and expression, and liberating practices, whatever that looks like for you.  A big part of what happened as this record was coming to life was really discovering my own sexual identity, and having that come into conflict and dismantle a lot of old ideas about how I thought I needed to be in order to be loved or accepted.  This is definitely a disruptive message in a world where bodies are constantly policed and controlled, and where a white supremacist capitalist patriarchy is the dominant culture.  It is my great hope that when people come into contact with this music, that it inspires this part of them, that they get to practice and pass on their own liberation, even in subtle ways.  

G : Why did you chose to combine politics and music when, nowadays, most artists don’t bring politics in their communication ? Does that mean they’re afraid and you’re not, for example ? 

L : For me, a platform is a privilege, and if I am gifted with this privilege, I have the obligation to use it, especially in politically turbulent times.