En Europe, Insomniac est relativement peu connue car l’entreprise n’y est pour le moment pas implantée outre quelques éditions annexes de EDC. Pourtant, si l’on traverse l’Atlantique et que l’on atterrit aux Etats-Unis, la situation est toute autre. En Amérique du Nord, Insomniac est non moins que le leader de l’industrie de la musique électronique. Envie d’en savoir plus?
Insomniac : historique et présentation
Commençons par le début. Insomniac est fondé en 1993 par l’américain Pasquale Rotella. La première pierre est posée il y a 30 ans, dans le salon de sa maison, et sa première rave est organisée la même année. Bien qu’excitantes, ces premières années furent assez dures car, à l’époque, la police réprimait les raves qu’il organisait chaque vendredi. Par effet de ricochet, cela a en plus fait « fuir » une partie de la naissante musique électronique. Aujourd’hui, bien des années plus tard, le californien est à la tête d’un empire dont le chiffre d’affaires de la branche évènementielle est estimée à plus de 400 millions de dollars (source : growjo.com). Insomniac, devenu un groupe, comprend une branche « musique » avec Insomniac Music Group, une branche « festival » et une branche « club » – voir ci-dessous.
Pour moi, Insomniac est beaucoup plus qu’une entreprise. C’est le fruit d’une passion qui est née lorsque j’étais adolescent et que je distribuais à chaque coin de rue les flyers de mes premières soirées.
Pasquale Rotella
A Beverly Hills (Los Angeles), 1400 employés font tourner cette machine dont le poids est énorme dans le paysage de la musique électronique aux Etats-Unis. C’est d’ailleurs ce qui vaut à Pasquale Rotella de figurer en 2023 parmi les personnes les plus influentes dans l’industrie du live selon le prestigieux magazine Billboard.
Le cœur de métier d’Insomniac est à l’origine et au début l’évènementiel. Aujourd’hui, la franchise américaine organise de très gros festivals, parmi lesquels l’Electric Daisy Carnival (EDC) sur lequel nous reviendrons. Par ailleurs, on peut également citer Nocturnal Wonderland, Beyond Wonderland ou encore la désormais célèbre croisière Holy Ship!. En parallèle, Insomniac a aussi acquis des clubs à Los Angeles, Miami ou encore Washington. Grâce à tout cela, Insomniac génère des revenus substantiels et se vante aujourd’hui de faire vibrer un million de personnes chaque année.
En 2014, Insomniac créé une branche « musique » avec Insomniac Music Group qui comprend le très influent Insomniac Records. En parallèle, d’autres sublabels sont créés et chacun dans un style particulier : Bassrush Records pour la Bass House et la Trap, Factory 93 pour la Techno, Basscon Records pour le hardstyle, Gud Vibration pour la Dubstep… Grâce à tous ces labels, Insomniac Music Group a pu faire signer des artistes du calibre de Chris Lake, Bingo Players, Wax Motif Claptone, Eli Brown, Claptone ou encore nos frenchies Dombresky et Space 92. Là aussi, on peut parler d’une machine qui tourne : Insomniac Music Group, c’est de nombreuses releases chaque année.
Le vaisseau amiral : l’EDC
L’Electric Daisy Carnival (EDC), c’est la partie la plus visible d’Insomniac. Bien qu’il paraisse très récent, ce festival est né dans les années 90 à Los Angeles. A la même période, Nocturnal Wonderland est créé. Il a véritablement explosé en même temps que l’EDM, à la fin des années 2000. Il n’a depuis cessé de croître et s’est installé au Las Vegas Motor Speedway, dans le Nevada, à une vingtaine de kilomètres de la ville du péché. Toutefois, la franchise s’est aussi exportée dans plusieurs pays, et cela a participé évidemment à son expansion. On a ainsi pu voir des éditions de l’EDC en Chine, en Corée du Sud, au Japon et au Mexique.
C’est incroyable pour moi de voir chaque année revenir certains de ceux qui étaient déjà là au tout début (d’Insomniac). Ce sont des gens qui aiment profondément ces évènements. Il n’y a pas de meilleure sensation que ça, c’est très puissant.
Pasquale Rotella, dans une interview au Los Angeles Daily News (2023)
Si l’on devait citer quelques chiffres pour prendre la mesure de l’EDC Las Vegas aujourd’hui (nous y étions d’ailleurs allé en 2019), on pourrait donner les suivants : 130 millions de dollars de chiffre d’affaires (source : Orlando Business Journal), près de 500 000 festivaliers pour son édition 2023 (source : Digital Music News), 9 scènes, des attractions mais aussi des artistes de tout premier plan.
D’ailleurs, le gros avantage de l’EDC est qu’il permet de mettre en avant les artistes signés sur Insomniac Music Group, et c’est donc un cercle vertueux qui se créé dans cet « écosystème » : les artistes qui signent mixent sur des grosses scènes de festival, font davantage vendre et rapportent donc plus au groupe Insomniac. Pour l’anecdote, et puisqu’on parle de Las Vegas, Insomniac était partenaire du récent Grand Prix de Formule 1 qui a eu lieu sur le mythique strip.
Après l’Asie et l’Amérique, l’ambitieux Insomniac a posé ses valises en Europe avec un EDC UK en 2016. Après une seule édition, le groupe a délaissé la Grande Bretagne, puis a voulu en 2021 poser ses valises au Portugal. Cette annonce avait suscité beaucoup d’enthousiasme, un enthousiasme qui a été malheureusement douché car le festival n’a jamais vu le jour dans le contexte compliqué de la crise du COVID. Après cet échec, difficile de savoir si le géant américain a pour intention de retenter une incursion sur notre continent.
Un appétit d’ogre, pas sans conséquence
Comme toute entreprise, la logique d’Insomniac est de croître. Alors, pour grandir encore davantage et atteindre une taille critique, Insomniac s’est associé en juin 2023 avec le géant Live Nation, spécialisé dans les tournées d’artistes de premier plan, de leurs concerts et de la billetterie, et ce, dans le monde entier. D’après le Los Angeles Times, Live Nation aurait acquis 50% des parts d’Insomniac, pour 50 millions de dollars selon une autre source, le Wall Street Journal. Cette « folie des grandeurs » a des effets de bord et a écorné un peu l’image du « bébé » de Pasquale Rotella.
D’abord, de vives critiques émergent sur l’expérience en festival alors que celle-ci a été longtemps louée. Pour certaines voix qui s’expriment, la volonté de générer du profit a pris le pas sur le soin accordé aux festivaliers de l’EDC mais pas seulement, de Beyond Wonderland, Nocturnal Wonderland également… Concrètement, comment cela se traduit-il ? Certains affirment que l’organisation vend davantage de places que la capacité maximum, ce qui créé évidemment des nuisances au sein des festivals Insomniac.
D’après les témoignages que nous avons pu lire, il est très facile de faire rentrer tout type de choses au sein de l’enceinte de l’immense EDC Las Vegas, notamment de la drogue (et son lot d’overdoses). Il est également question de pick pocket. Soyons honnête, c’est le cas pour beaucoup de festival dans le monde (hélas). Néanmoins, dans ce cas de figure, où la sécurité est globalement décriée, cela a eu des conséquences dramatiques.
En juin dernier, une fusillade éclate au sein de Beyond Wonderland, faisant 2 morts et plusieurs blessés. Un drame qui a eu lieu dans l’Etat de Washington et qui a fait beaucoup de vagues dans le milieu de la musique électronique. Le fait qu’une arme ait pu entrer dans le festival (un cas semblable a eu lieu au Bassrush Festival, autre évènement de la franchise américaine) laisse également à penser que la sécurité est légère dans les events d’Insomniac – une sécurité à la charge de Live Nation. A voir toujours plus grand, Insomniac a peut-être perdu un peu du contrôle qu’il avait sur chacun de ses évènements il y a encore quelques années.
Conclusion
Comme nous l’avons évoqué précédemment, Insomniac est un acteur incontournable de la musique électronique aux Etats-Unis. Malgré les difficultés actuelles du groupe, beaucoup s’accordent toujours à dire que Pasquale Rotella, son fondateur, a beaucoup œuvré au succès de l’EDM de l’autre côté de l’Atlantique. Par le passé, il a su montrer qu’il était capable de résister aux tempêtes. Lors du COVID, alors que tous les évènements étaient annulés, il a monté une série de livestreams, avec un certain succès. On peut donc facilement imaginer qu’Insomniac saura surmonter ses tourments actuels. Il a d’ailleurs mis à l’eau EdSea, une nouvelle croisière festive aux Caraïbes…
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