Ce dossier est la suite d’une trilogie éditoriale entamée avec ce premier épisode.
Tel Icare, l’Eurodance s’est brûlée les ailes, au sommet de sa gloire, mais avait-elle dit son dernier mot ?
L’empire Italodance
Pendant que le reste de l’Europe enterre le genre, le pays le plus prolifique en la matière met les bouchées doubles, l’Italie connaît alors l’âge d’or de ses clubs avec l’Italodance. Alors que la France reste encore aujourd’hui obsédée par les années 80, c’est la fin des années 90/2000 qui va marquer le pays.
Des clubs gigantesques sortent de terre, avec des capacités allant jusqu’à parfois 7000 personnes, ouverts jour et nuit. L’été, le long de la côte Adriatique, les clubs organisent de longues après-midis où les artistes s’enchaînent avec retransmission FM nationale. Aucun hit ne sera épargné par un remix italodance, tout le monde veut sa part du gâteau. Les labels reprennent un rythme d’usine, construisant des dizaines de studios permettant une production continue, similaire à ce qu’a pu faire Spinnin’ ces dernières années.
D’abord un phénomène de club, essentiellement chanté en anglais, le style s’immisce dans la pop lorsque Eiffel 65 sort son 3ème album. L’album signe le tournant du style vers le mainstream. Majoritairement chanté en italien, l’album remporte plusieurs prix, normalement réservés aux chanteurs de variété, à des kilomètres de la musique club, terminant disque de platine.
M2o, une radio ouverte en 2002, connaît immédiatement le succès. Diffusant de l’italodance 24h/24, la radio sort une compilation par trimestre qui se voit récompensée d’un disque d’or à chaque édition. Un tour de force, alors que l’industrie est en pleine crise du téléchargement illégal via Kazaa/Emule. Radio Deejay (le NRJ italien), rachète ensuite M2o, sa concurrente, et ramène la plupart de ses DJ phares sur l’antenne. Gabry Ponte, Prezioso, Molella ou encore Gigi d’Agostino ont tous droit à une quotidienne sur l’antenne, peu importe l’horaire, les 140bpm règnent sur le territoire. Mais l’histoire de M2o se termine mal. Il y a 2 ans, Radio Deejay a licencié l’intégralité du staff, y compris les patrons et créateurs, pour repositionner la radio face à l’essouflement de l’EDM à l’antenne.
Difficile de ne pas s’étendre sur le phénomène culturel qu’a été l’Italodance sans parler de Gigi D’agostino. Diva à la réputation ternie par d’incalculables faux-pas, mais encore aujourd’hui d’actualité. Avec 30 ans de carrière à son actif, il fut d’abord l’une des figures de proue de la Mediterranean Progressive avec Robert Miles dans les années 90. L’italien déménage ensuite à Turin et devient une institution de la ville, grâce à sa soirée « Le Voyage« , dans le gigantesque club Ultimo Impero, aujourd’hui abandonné.
L’italien connaitra le succès planètaire avec « The Riddle », « Bla Bla » et enfin le cultissime « L’amour Toujours ». Sa discographie continue de s’enrichir encore aujourd’hui, nous y reviendrons d’ailleurs dans la 3ème partie. Si vous souhaitez approfondir le cas D’Agostino, retrouvez notre portrait ici.
L’italodance donnera ses premières chances à bon nombre d’artistes encore présents sur la scène actuelle. Benassi sous divers pseudos, Tuneboy sous « Jimmy Gomma », Nari & Milani sous « Unconditionnal », Djs From Mars sous divers pseudos et prods pour Eiffel 65 ou encore Promise Land !
Le style s’exporte assez mal en France, entre autres, à cause de la barrière de la langue. Quelques clubs ont tout de même poussé le style, comme « Le Chateau » et « La Clé des Champs » dans la région lyonnaise, ou encore « Le Number One » à Giromagny. Quelques titres se sont frayés un chemin dans les charts francophones, mais sans se débarrasser de l’étiquette « Fête Foraine ».
L’italodance terminera sa course vers 2007. Le public, lassé par les productions toujours plus cheap et sans efforts, va doucement abandonner les clubs et les radios. S’entame alors une période difficile pour l’Italie, qui devra attendre 2011 pour voir les voiles se lever de nouveau, avec l’arrivée de l’EDM.
Hands Up – La frappe allemande
Pendant ce temps là, en Allemagne, le style se transforme en « Hands Up« , de l’Eurodance tonifié au Red Bull. Prenez l’Italodance, ajoutez-y l’austérité allemande, et vous aurez la « Hands Up », un style aux kicks beaucoup plus punchy et aux basses agressives.
L’essentiel de la scène pourrait se résumer à une seule et même personne: Manuel Reuter aka Manian. L’allemand, déjà actif dans les années 90 va imposer son style avec d’innombrables projets, en particulier Cascada.
Le trio se composait de Manian, Nathalie et Yanou (qui avait produit plus tôt le hit DJ Sammy – Heaven). Les 3 compères produisaient sous plusieurs pseudos, mais lorsque « Bad Boy » entre dans les charts en 2004, l’équipe met toute son énergie sur le projet Cascada. S’enchaine alors une série de hits monstrueux, avec évidemment « Everytime We Touch« .
Manian fait des émules, d’autres noms se font rapidement une place sur la scène comme Rob Mayth, Special-D, DJ Gollum, Real Booty Babes etc… Naturellement, l’inépuisable groupe Scooter fera également une série de titres dans le genre. Manian est infatigable et se cache également derrière les projets R.I.O., Spencer & Hill ou encore TwoLoud. Pour l’anecdote, Madeon et Porter Robinson se sont d’ailleurs fait connaitre gràce à leurs projets Hands Up respectifs « DJ Deamon » et « Ekowraith« .
Pendant ce temps-là, la Scandinavie fait également des siennes, donnant naissance à un certain Basshunter et son « Boten Anna« . La Belgique se démarque également avec les projets Sylver et Milk Inc. Ce dernier remplissait d’ailleurs les mêmes salles que Dimitri Vegas et Like Mike, avec un vrai live….10 ans avant eux, ça vaut le coup d’oeil!
Loin d’être terminé, le succès fulgurant des allemands de Cascada va sortir des frontières, propulsant le genre en Angleterre qui va connaitre un ultime âge d’or Eurodance avec les labels All Around The World / Clubland….
Exil en terres britanniques
L’arrivée de Cascada en Angleterre motive le label All Around The World à miser sur le style, devenant partenaire du label du groupe, Zooland Records. Les anglais sortent alors de nombreux projets allemands dont Italobrothers – Stamp On The Ground, mais aussi de nombreux titres solo de Manian, confirmant le tir avec une version anglaise du titre de Basshunter, intitulée « Now You’re Gone« .
Les vannes sont ouvertes et le style remplit les charts, donnant aussi une chance à des artistes anglais de se démarquer. Originalement prévu à 25.000 exemplaires, le premier double-album de Darren Styles, « Skydivin’ » (une face Hands Up, une face UK Hardcore) se hisse en tête des charts, terminant sa course à plus de 200.000 exemplaires. Juste derrière on retrouve Ultrabeat, le duo formé par un certain Mike Di Scala, qui n’est autre que la moitié de CamelPhat.
Le label et sa série de compilations « Clubland » et « Clubland Xtreme » prennent une telle ampleur, qu’ils se voient attribués une chaine de TV dédiée et enchaine des tournées à travers tout le pays. Comme en Italie, la redondance, la faible qualité des morceaux et les échecs des seconds albums d’Ultrabeat et Darren Styles, signeront l’arrêt de mort du genre chez les anglais.
Quelle aventure, cette première décennie du 21è siècle ! On croyait le style vaincu, mais il aura tout de même gardé une dernière salve marquante, en particulier pour les jeunes adolescents de l’époque qui, quelques années plus tard, ont donné naissance à l’EDM qu’on connait aujourd’hui. C’est cet héritage dont on vous parlera en 3ème partie, prochainement !
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