Annabel Ross expose les dessous des Grammy Awards

La Elise Lucet de l’EDM, la Pascale Pascariello du dancefloor, bref LA journaliste d’investigation de notre milieu électro Annabel Ross a sorti en début de mois un très long article relatant des controversés Grammy Awards de cette année, attribuant notamment son prix « Album Electronique de l’année » à Beyoncé. Et il est nécessaire de vous en faire part, traduit et proposer des pistes de lectures additionnelles à son travail.

Source : Grammys

La journaliste évoque alors les débuts de ses recherches sur le fonctionnement de votes des Grammy Awards après avoir vu le clip de Guetta : « Comment une reprise aussi banale a-t-elle été nominée pour un Grammy ? Qui décide des nominations et des gagnants dans le domaine de la musique électronique, et qu’est-ce qui détermine l’admissibilité d’un morceau ou d’un album ? Et que traduisent ces nominations comme celle de Guetta du genre Dance qui est récompensé par les Grammys, que beaucoup considèrent comme les prix les plus importants dans l’industrie de la musique ?« .

Ces travaux l’ont alors conduit à des témoignages anonymes qui nous renseignent sur les pratiques et l’origine des votants. Quelques informations : les nominés et nominées ne peuvent l’être que si l’objet (single, album …) a été commercialisé sur le sol américain. Dites adieu aux exclusifs Bandcamp. De plus, la première phase de votes visant à départager le gros des candidatures est supervisée par un comité national qui valide ou invalide le vote précédent ! Le dénommé Max (nom d’emprunt pour le témoignage), votant durant la première phase, avoue alors que si le vote est invalidé par une commission nationale, à quoi bon voter ?

Et dans ce cas précis, là où l’album de Beyoncé a été voté comme étant un album Pop, la commission nationale a décidé de la placer … dans la catégorie « Album Dance/Electronique » ! Enfin, autre croustillante indiscrétion, un autre membre de jury, nommé ici Alex, avoue qu’une année, les membres du jury de la catégorie « Meilleur Remix » ont voté … pour eux-mêmes ! Résultat, tous les membres du jury de cette année en question ont tous été au moins nominés, c’est donc une faille énorme de la procédure de votes avec un jury profitant de leur position pour se mettre eux-mêmes en avant, faisant preuve d’un entrisme exacerbé.

Source : Le Temps

Passons maintenant à l’autre partie très intéressante : le racisme systémique à l’intérieur des Grammys. Annabel nous rappelle alors des faits historiques et vérifiables sur le nombre de nominées et nominés : la catégorie « Dance » des Grammy a été impulsée sous le lobbying de Ellyn Harris en 1998 pour que le genre soit reconnu par l’industrie. Jusqu’en 2012, tous les vainqueurs étaient principalement issus de la Pop (Timberlake, Cher, Lady Gaga …) mais cette année-là, le tournant a été le couronnement de Skrillex pour son EP « Scary Monsters and Nice Sprites ».

La scène électro a été mise en avant essentiellement par les figures de proue du genre, citons Daft Punk, citons Kraftwerk, citons The Chemical Brothers. Bref une scène très blanche et hétéronormée dans ses vainqueurs et même dans ses nominations. En effet, jamais aucune figure noire n’a été représentée jusqu’à Kaytranada et Beyoncé. Underground Resistance, Jeff Mills, Frankie Knuckles ou encore David Morales n’ont jamais été représentés aux Grammys malgré l’impact que ces artistes ont eu. L’industrie a récompensé Kaytranada et Black Coffee en 2021 et 2022, puis enfin Beyoncé cette année, et tout ceci après le meurtre de George Floyd en mai 2020, soit les premiers artistes noirs et noires depuis 19 ans.

Juste avant la nomination de Beyoncé, Max témoigna alors :  » Je pense que sa nomination (si elle gagne effectivement) est une autre façon de se rendre compte que la musique électronique est davantage considérée en fonction de sa commercialisation plutôt que de la façon dont elle est produite« . C’est ce qu’on appelle alors du « virtue signaling » ou « vertu ostentatoire », qui est un procédé permettant de faire apparaître un geste comme étant une ouverture dans le bon sens, une décision de bon sens mais sans jamais l’appliquer en profondeur, et dans bien des cas, en faisant l’exact opposé. La plus connue des vertus ostentatoires étant le fameux « greenwashing », on peut alors clairement dire que les Grammys sont dans une phase de « blackwashing ».

Adèle et ses Grammy

Annabel conclut alors l’article par une dernière phrase : « C’est une nomination qui semble fausse à plusieurs niveaux, et est la dernière d’une longue liste de décisions qui ruine l’intégrité des Grammys. » Comme d’habitude, le travail de cette journaliste est à soutenir et partager massivement.

Source : Mixmag

Blog de Annabel Ross