Electrobeach 2023, le pari de la radicalité

Après 4 ans d’absence de la team Guettapen à Barcarès, nous étions finalement de retour à l’Electrobeach pour une édition 2023 qui s’annonçait pleine de défis. Il faut être honnête, l’édition 2022 ne nous avait que peu intéressée : une programmation mainstage trop grand public avec cependant des jolis noms en opening et mi-journée, une scène Techno hyper-spécialisée assurée par le Rex Club, une bonne scène Hard et une absence de quatrième stage.

Avec malgré tout une certaine empathie pour l’organisation qui devait se relever de 2 ans de COVID, on comprend que le festival n’avait pas d’autre choix que de miser sur de la valeur sûre, des noms bien connus en France qui allait faire vendre au détriment de la prise de risques. Mais, cette année, la prise de risques relève d’un tout autre niveau, toutes éditions confondues. Stages upgradées, son amélioré, artistes très spéciaux … On détaille tout ça !

L’organisation : un service renforcé

Outre l’habituelle présence despompiers, sécurité et médecins qui ont une fois de plus veillé sur les festivaliers, on retrouve comme chaque année un nombre de stands toujours aussi important dans ce festival. Avec des lieux de boissons alcoolisées dédiés comme Jäggermaster et Ricard, beaucoup de bars et restaurants ambulants font leur apparition.

Bémol habituel de l’EMF : le prix des consommations en EMF (1,30€ pour 1 EMF) fausse bien sûr la perception du prix des consos. Un plat de pâtes à 9 EMF ne fait pas 9€ mais 11,70€. De même pour les boissons à 5 EMF ou plus, etc. Il a été également beaucoup relevé de problèmes au niveau des consignes rendues (ou pas) qui ont été mal remboursées. I faudra alors apporter de la vigilance sur les prochaines éditions sur ce point.

Les stages : une upgrade générale

Cette édition 2023 a marqué un grand changement dans l’amélioration du festival. La mainstage a en effet bénéficié d’un traitement de faveur, avec une qualité égalant celle de 2017 mais avec des courbes et moins d’angles cassants, ce qui constitua un challenge pour les visual Jockeys (VJs). La Techno Stage a retrouvé sa tente, ce qui a constitué un atout quand la légère pluie et les vents ensablés ont sévi le samedi. Toujours avec un design minimal, les tubes de néon et LED ont donné une vibe free party plaisante.

Crédits : Clément GOMONT

Grosse nouveauté, l’UCPA Stage dont la nouvelle école est désormais dans la médiathèque de Port-Barcarès, a bénéficié d’une grande tente aérée mais d’un line-up étonnant avec des sets de 30 minutes en moyenne. Enfin, la Hard Stage n’a pas bougé niveau upgrade, très (trop ?) sobre mais le public le plus déter’ du festival en a fait une véritable zone de guerre, alors a-t-on vraiment besoin de faire plus ? Mais cette upgrade générale n’a été possible que grâce à un move des plus malins : le partage des infrastructures avec Les Déferlantes qui se sont tenus la semaine d’avant, d’où un dégagement de budget pour la programmation, les lumières et autres. Un partenariat 100% payant !

Le Public : le début d’une transformation ?

Crédits : Clément GOMONT

Bon, on ne va pas tergiverser et on va poser le constat : le public de l’EMF n’est pas un public averti ou constitué de passionnés hardcore qui y va principalement pour sa programmation, mais un public généraliste qui y va pour se défouler, passer un bon moment jusqu’à en perdre leurs cartes bleues. Mais de plus en plus, dans les groupes de discussions, dans les forums et places dédiées, l’idée de s’ouvrir, de comprendre et apprécier des sonorités, fait son chemin. C’est simple : l’EMF fait le travail avant-gardiste que devraient faire les radios hertziennes publiques.

Crédits : Clément GOMONT

L’EMF programme du Artbat en mainstage, l’EMF programme du Rezz en closing, l’EMF promeut de la diversité dans ses line-ups et fait découvrir Clozee, Syreeta ou Mochakk à un public au mieux connaisseur / au pire curieux / au hasard surpris par ce qu’ils découvrent. On a tous commencé à apprécier Nervo avant d’apprécier Fisher, on a tous apprécié Afrojack avant d’apprécier Artbat…

Et cet EMF là contribue à, non cette éducation, mais cette sensibilisation à des projets plus artistiques que Dimitri Vegas & Like Mike. Alors quand le closing du festival est attribué à Eric Prydz, évidemment que beaucoup grinceront des dents mais combien en sont ressortis en se disant « j’ai découvert quelque chose aujourd’hui ? ». Ce fut à notre sens le pari de cette édition.

Les sets : quand la line-up se radicalise

Crédits : Clément GOMONT

Passons au vif du sujet. « Dis Guettapen, ça a donné quoi les sets cette année ? ». Ne mâchons pas nos mots : les sets cette année ont été d’une qualité rare pour un festival qui se veut à la base généraliste. L’équipe a beaucoup passé de temps entre la Mainstage et la Techno stage, avec quelques excursions sur la Hard et l’UCPA.

Au jour 1, nous y étions dès 18h pour le set de Umbree suivi de Koos qui ont direct posé l’intensité avec leur Bass House groovy. Et là, première claque : le son est impeccable cette année. Dans nombre de festivals, le son est toujours trop fort, ce qui amène soit à devoir porter des protections auditives soit à faire la collection d’acouphènes. Et pour une Main’, c’était parfait même pendant les derniers sets qui se voudraient en théorie relativement inaudibles.

Crédits : Clément GOMONT

S’en est suivie la trilogie House du moment avec Dom Dolla b2b Vintage Culture into Mochakk into Fisher, pour enfin finir sur Kayzo qui a tout dévasté avec son Dubstep fusionné au Metal et à l’Electro Rock. Clou du spectacle : Rezz fut le closing et la réception fût excellente. Énorme prise de risques de fermer sur un BPM aussi lent, mais le public a joué le jeu de « space Mom » avec des visuels uniques. La Techno Stage a eu une très grosse line-up également avec le phénomène Creeds, suivi de U.R TRAX et Adiel, très bourrin / Hard Techno Indus pour un premier jour, avec un public également à fond et on ne va pas s’en plaindre.

Ce jour 2, nous avons concentré nos efforts sur la Techno Stage qui a eu de très bons noms. Nous sommes arrivés dès le duo The Hustlers, qui a déjà fait ses armes au T7 et au Phantom à Paris. Très bon duo à surveiller ! Syreeta a pris le relais pour un set plus Techno qu’à son habitude et a jonglé avec de la House / Tech-House, mais avec une sacrée cohérence dans un set parsemé de micro-mélodies catchy. Ce fut le tour de notre nom préféré de la soirée : Rebüke, qui a oscillé entre Melodic Techno et Techno bien organique au sound design travaillé, véritable marque de fabrique du DJ/producteur.

Crédits : Clément GOMONT

Fideles et Mind Against ont ensuite misé sur leur pure Melodic Techno pour envoûter l’assistance et proposer un sacré voyage. La Techno Stage fermant, nous consacrâmes nos trente dernières minutes à Timmy Trumpet pour le bingo final, avec un show pyro et lumière qui reste vraiment impressionnant, doublé d’un show humain toujours autant drôle que physiquement remarquable. Mention spéciale aux feux d’artifices qui sortent de la trompette !

Enfin, notre Jour 3 a commencé avec Keeld en Main et Vadanella en Techno qui ont chacune et chacun commencé très fort d’entrée de jeu, Bass House pour l’un et Hard Techno de l’autre. Ont alors enchaîné Clozee, avec un set Breaks / Midtempo et Just Lauren sur un set plus calme que l’opening. En allant alors sur la Main, ce fut le tour d’Apashe de jouer et quelle mise en scène vidéo ! Très fan de voir ce spectacle sur les écrans de l’EMF avec un set très correct, avec une note à ce super remix de « Duel Of The Fates » de John Williams qui bascule dans le Dubstep.

Crédits : Clément GOMONT

Sur la Techno stage, très grosse prestation d’Innella dans une tente pourtant pleine à craquer pendant un set de Vladimir Cauchemar en face, laissant place à Kölsch pour se fermeture. Enfin sur la main, Artbat a dans un premier temps fait fuir les fans du squelette pendant les trente premières minutes avant d’avoir un public qui est devenu de plus en réceptif à leur set Melodic Techno bien bien dark et profond.

Le closing de la journée et donc du festival revient à Eric Prydz, ce qui en soit constitue LA prise de position du festival. Loin de Marshmello, loin de David Guetta, loin de Tchami & Malaa, loin de tout ce qui marche en France, c’est à Eric Prydz, l’artiste dont personne ne connaît les morceaux mais possédant à ce jour l’un des shows visuels les plus aboutis de notre milieu, que l’on confie le closing. C’est le pari de l’EMF 2023. Et croyez bien que les téléphones étaient sortis. C’est sous une pluie d’IDs, un finish sur « Pjanoo » into « Allein » into « Opus » et un jeu vidéo & lumière jamais vu sur ces trois jours que le festival prit fin.

L’EMF 2024 assumera-t-il son parti pris ?

La grosse interrogation, après cette très bonne édition, sera alors : l’édition « 2024 » sera-t-elle l’édition « 2023 : Episode 2 » ? En effet, une grosse pression est alors en jeu. D’un côté, le public type de l’EMF n’est pas un grand fan d’Artbat, de Prydz, de Clozee ou de Rezz, et c’est aussi la façon dont se matérialise la grosse différence entre un festivalier qui vient sans prise de tête pour se défouler et un festivalier qui vient en tant que passionné d’Electro, son petit chemin tracé entre les différentes stages.

Si le festival voulait faire rentrer de l’argent de façon considérable, ça ne serait pas avec ces noms là. Or, une décision artistique a été prise de façon radicale, cette année. Moins de DJs grand public, plus d’artistes aux sonorités uniques. Déjà, on souhaite que l’organisation du festival se retrouve dans ces frais cette année et ils n’appartiennent qu’à eux de voir comment aborder l’année prochaine et si oui ou non, une programmation plus unique encore peut voir le jour, et voir si le public va les suivre.

Si l’on peut prendre la température dans certains groupes Facebook avec ses quelques milliers d’actifs, l’heure est à la sensibilisation entre les pro et anti prises de risques, entre les conservateurs d’un EMF grand public, mainstream, qui fait le show pour le show, et les progressistes qui veulent une musique qui peut potentiellement leur faire Shazamer un morceau pendant un set de Clozee, plus intellectuel et qui va éveiller la curiosité de pousser la découverte des artistes post-festival.

Évacuer les noms qui étaient des références en 2012 pour voir plus de noms Melodic Techno, Tech House, peut-être UK Garage ou carrément Rawstyle, tel est le souhait de potentiels intéressés parmi nos lectrices et lecteurs; avec des line-ups qui résonnent avec notre direction éditoriale.

Plus ce festival prendra ce genre de risques, plus la rédaction encouragera ses assidus followers à y participer, tant que leur envie, leur temps et leur compte en banque suivent, et ca n’est malheureusement pas le cas de tout le monde en France : train de vie, inflation, santé pour certains … La question reste en suspens mais une chose est sûre : nos encouragements les plus sincères vont à l’ensemble du personnel de ce festival. A l’année prochaine !