Production : Réalisez vous-même le mastering de vos propres morceaux

Il est grand temps de lever un tabou. Une idée reçue tenace qui parasite notre opinion que l’on peut avoir sur notre capacité à réaliser, à un niveau professionnel, un mastering de nos propres productions. Au cours de cet article, nous allons expliquer un procédé (parmi une infinité de possibilités) via un seul et unique VST : Izotope Ozone. Plug-in de référence dans le domaine, il dispose d’absolument toutes les fonctionnalités dont le produceur amateur a besoin pour (faire) tester ses tracks en conditions de club ou de streaming.

Le but du mastering est de normaliser la « loudness » (trad. : la sonie) d’un morceau, afin que, dans un genre donné, 2 morceaux à volume identique « sonne » aussi fort l’un que l’autre ; ce n’est, à la base, rien d’autre. Il peut devenir également élément de coloration (le fait de rajouter des fréquences, comme le ferait de la saturation) du son, via des émulateurs de bandes magnétiques, de transistors, de tubes … qui « réchauffent » le son (on va en parler). Sans compter sur les différents types de limiters, qui peuvent eux-mêmes colorer ou non le son. Sans plus attendre, commençons.

Note : Le VST utilisé est Izotope Ozone 8 (Edition Standard) et suivra la chaîne d’effet ci-dessous.

Note 2 : Afin de réaliser le mastering, assurez vous de vous placer au moment le plus fort et le plus représentatif de votre morceau et de looper cet endroit. Typiquement pendant le second drop, là où la track est censée délivrer son potentiel.

Etape 1 : Pré-mastering

Les quelques pré-requis en fin de mixage du morceau (ou pré-master) sont les suivants : le morceau doit être spatialisé; c’est-à-dire que ses éléments sont orientés de gauche à droite, et de façon plus ou moins prononcés suivants, certes, les goûts, mais aussi la fréquence. Typiquement, la loi empirique du mixage est de se dire : plus l’élément est bas en fréquence, plus il doit être au centre, mono; et inversement, plus il est haut en fréquence, plus il doit être sur les côtés. Nous reviendrons plus en détails sur le mixage au cours d’un prochain article, car à l’instar de Georges Lucas, nous aimons réaliser nos épisodes dans le désordre.

La dernière étape du pré-mastering est un élément crucial : la normalisation au bruit rose. Pour être sûr et certain que notre morceau sonne sur la plupart des systèmes de la façon la plus homogène possible, il faut matcher nos fréquences avec le spectre du bruit rose à partir de 1 kHz, à peu près ; car nous voulons avoir des basses qui ressortent du mix général, musique électronique oblige.

Sans EQ, nous pouvons voir des problèmes sur ce morceau. Trop de puissance à 1 kHz, pas assez entre 2 kHz et 10 kHz, ainsi qu’une coupure à partir de 12-13 kHz. Le boost entre 20 et 200 Hz est normal.

Voici donc un exemple de mauvais mixage, avec des différences de niveaux assez flagrants par rapport au bruit rose. Nous avons alors 2 possibilités : soit agir sur le mixage directement (préférable), soit agir pendant le mastering (dernier recours). Nous allons dans la prochaine étape corriger le plus gros dans le mixage, puis les détails au mastering.

EQ sur les pistes du mixage, en amont du master

Léger EQ sur le master

Voulant conserver une touche « dark » pour notre morceau, prônant cette fois la touche artistique à la technique « bête et méchante », nous laissons les fréquences chuter à partir de 13 kHz. Le mastering peut aussi s’avérer créatif. Notez les cuts aux extrémités hautes et basses. Ils servent à retirer toutes les fréquences qui peuvent nous parasiter pendant le mastering. Car même si on entend pas en dessous de 20 Hz et au dessus de 20 kHz, ces fréquences existent malgré tout électriquement, et peuvent nous manger de la dynamique lors de la prochaine étape : la compression multi-bandes.

Etape 2 : Compression Multi-Bandes

« Mais dis donc, Guettapen ? C’est quoi la compression multi-bandes ? ». Et bien, cher lecteur avisé, c’est très simple : il s’agit de 2 à X bandes de fréquences séparées par des filtres, qui ont chacune son compresseur dédié. Il va nous permettre de travailler la dynamique des bandes de fréquences de façon indépendante. Son utilisation est facultative mais la légère touche de dynamique qu’il inclut dans le processus est plaisant.

Paramètres du compresseur multi-bandes. Après la compression de chaque fréquence, on rehausse le niveau global pour, notamment, préparer le mix à son entrée dans le limiter.

Etape 3 : Image Stéréo

Nous entrons dans le domaine facultatif du mastering. Négligeable mais apporte néanmoins sa touche et son caractère. L’Imager Stereo de Ozone permet d’élargir l’image stéréo du mix. Appliqué à une réverbération par exemple, il la rendra d’avantage stéréo de gauche à droite, élargissant son effet. Cette logique peut être appliquée durant le mastering, avec modération. Le but ici va être de rendre notre morceau le plus stéréo possible sans engendrer des annulations de phases entre les différents éléments. Commençons par le bas du spectre :

Spatialisation des 200 Hz

On a coutume de demander des bass jusqu’à 150-200 Hz 100% mono afin d’éviter les annulations de phases lorsque ces morceaux sont joués dans des clubs par exemple. La réalité peut être nuancée : ici, notre partie basse fréquence est assez mono mais conserve un minimum d’image stéréo, qui est vraiment apprécier dans des écoutes plus personnelles, au casque ou à l’enceinte. Cette conservation de cette petite stéréo fait réellement la différence, car au pire, indétectable en club et au mieux, très apprécié pendant l’écoute individuelle. Avoir une image mono de sa partie basse fréquence revient alors à un choix esthétique.

Image des mid-bass

Le reste des fréquences suit la règle suivante : la spatialisation ne doit pas faire passer le curseur à droite (gradué de +1 à 0 à -1) en dessous de « 0 ». Cela voudrait dire que l’image stéréo de plusieurs éléments de votre morceau (plusieurs synthés par exemple) se chevauchent entre eux et s’annulent entre eux. Veillez à être prudent pour chaque bande. La spatialisation entière du morceau ne doit pas aller en dessous de « 0,5 », « 0 » étant la limite absolu.

Etape 4 : Saturation / Exciter

Comme le dirait Mr. Bill : « That sound is really good, let’s saturate it ! ». Après le mixage « parfait » de votre morceau vient l’étape également facultative de sa saturation. Il s’agit de donner un peu plus de caractère analogique au mix, comme s’il était passé à la bande magnétique. Salir délibérément le morceau enlève la précision chirurgicale et froide d’un mix 100% numérique et rajoute de l’interférence et de l’imprécision, qui peut s’interpréter comme humain, imparfait. Dans Ozone, vous avez la possibilité entre plusieurs types de saturation : bande magnétique (Tape), transistor (Rétro) ou encore tube à vide (Tube).

Paramètres saturation

Ici, 85% des choix seront artistiques, car à part tout pousser à 100%, vous ne pouvez pas mal faire. En sélectionnant chaque bande, vous pouvez appliquer une saturation plus ou moins prononcée (« Amount ») via le réglage Dry/Wet (« Mix »). Sélectionnez votre émulation favorite et expérimentez. Nous conseillons de ne pas trop forcer sur les basses fréquences afin d’en conserver le plus de puissance possible, leur trop forte saturation pouvant entraîner un problème de dynamique.

Etape 5 : Post EQ

Dernière option facultative : un dernier coup d’EQ pour colorer d’avantage le son, avec mégarde.

Un dernier high shelf dans les highs pour gagner un plus de hautes fréquences

Etape Finale : Limiter

Vient l’étape ultime du mastering : le limiting. Cette étape va être la plus importante de toute car elle va permettre l’objectif ultime que nous recherchons tous : pouvoir jouer notre morceau dans un set sans qu’il n’y aie une différence de volume (à gain égale) entre le morceau d’avant, et le morceau d’après. Cela passe par une première normalisation « classique » qui est le « -0,3 dB Peak ». C’est-à-dire qu’après limiter, votre morceau, à son niveau le plus fort ne doit pas dépasser -0,3 dB. La raison est, pour le domaine numérique, que les -0,3 dB servent à prévenir du cas où un bout du signal « saute » le limiter (mauvaise mémoire tampon du logiciel, petit bug …) et ne distord le master. C’est un cran de sureté, pour imager.

Limiter « Vintage » ou « Maximizer » avec les vu-mètres à droite : avant et après mastering.

Pour rappel, un limiter n’est rien de plus qu’un compresseur avec un ratio infini. Ozone possède avec son limiter « Vintage »et son « Maximizer » (limiter qui colore légèrement le son VS limiter très transparent). Les fonctions en commun sont le « Character » (il s’agit de la release du compresseur/limiter, durée entre la détection du peak et de sa compression, et son moment de relâchement, jusqu’à ne plus exercer de compression sur le signal entrant) et le « True Peak » (sécurité supplémentaire anti-clipping, activez le tout le temps, c’est mieux). La différence notable entre les 2 versions sera la coloration du son et la gestion de la release. Le « Vintage » possède des temps de release plus longs, plus « analogique » quand les releases numériques peuvent descendre à la milliseconde avec des curves exponentielles, techniquement meilleurs mais moins authentiques. Enfin, une fois les paramètres de release fixés, compressez avec le « Threshold » jusqu’à avoir un morceau assez dense et fort, mais sans entendre de distortion indésirable et suivant votre genre de musique. Servez vous de track de référence pour compresser jusqu’à ressentir une puissance égale entre votre morceau et celui de référence.

Etape Bonus : dB LUFS Meter

Si les oreilles ne suffisent pas, un outil formidable et gratuit est disponible : Yourlean Loudness Meter. Ah oui, il faut définir les dB LUFS aussi ! Alors, il existe plusieurs « types » de dB :

_ dB Peak, qui mesure, à un instant « t », la valeur maximale du signal.

_ dB RMS, qui mesure, pendant une durée, la valeur de l’aire du signal (une intégrale, pour les Bac S Master Race)

_ dB LUFS, qui mesure la valeur des dB RMS en prenant en compte la courbure de la réponse en fréquence de l’oreille humaine.

Ainsi si nous reprenons notre morceau, on voit des valeurs instantanées de -0,3 dB Peak et une valeur moyenne de -4 dB RMS. En prenant en compte la répartition fréquentielle de notre mix, et en place ce plug-in « YourLean Loudness Meter » après notre plug-in Ozone, voici le résultat, durant une phase de drop :

En comparant des tracks du même genre que celle que nous réalisons (le dB LUFS moyen d’une track Dubstep ne sera pas la même que celui d’une track Micro House), nous collons avec des valeurs de dB LUFS similaires, +/- 1 dB LUFS près, sachant que dans notre exemple, nous réalisons le mastering d’un morceau Progressive House / Melodic Techno. Nous n’aurons alors pas de saut monstrueux de volume quand nous jouerons les tracks à la suite des autres, en y incorporant nos créations.

Mission accomplie ! Vous savez théoriquement comment réaliser des masterings à un niveau professionnel avec juste une bonne paire d’enceintes (si votre studio est acoustiquement acceptable pour cet exercice), ou même de casques (DT-990 et ATH M40X dans notre cas). Pas besoin d’avoir des moniteurs à 100 000€ et un studio parfait acoustiquement. On vous attend maintenant dans notre Discord pour entendre vos productions.

Scorch