Depuis plusieurs décennies, la popularité de la musique électronique est croissante. Ainsi, les festivals électro sont devenus incontournables pour les amateurs du genre. C’est d’ailleurs ce que tendent à montrer les données du rapport de l’IMS (International Music Summit) de 2022. Cette étude révèle une augmentation significative de la représentation des artistes de musique électronique parmi les artistes les plus écoutés en France au cours de ces deux dernières années. En 2020, 10 % des 200 artistes les plus écoutés en France étaient issus de la musique électronique. En 2021, cette part a encore augmenté pour atteindre 12 %. Par conséquent, on constate une progression significative de la présence de la musique électronique parmi les artistes les plus populaires dans le pays.
L’impact profond et durable de la pandémie Covid-19 sur de nombreux secteurs n’a pas épargné l’industrie de la musique. En effet, selon un rapport du WIPO (World Intellectual Property Organization) en 2022, 50% des revenus de l’industrie musicale provenaient d’événements live. En France et à l’échelle mondiale, annuler ou adapter des événements en direct, dont les festivals électro, a constitué un défi inédit. Les festivals en France ont notamment été contraints de réinventer leurs stratégies de communication. Cela visait à maintenir un lien fort avec le public. Ils ont également dû s’ajuster continuellement aux réglementations sanitaires changeantes. Tout cela dans le but d’assurer la pérennité de ces événements culturels emblématiques.
Genèse de la musique électronique et des festivals en France
Cette scène musicale a fait son entrée dans l’Hexagone à la fin des années 1980 grâce à l’importation de la Techno via les raves et les soirées Acid House en provenance de l’Angleterre et de la Belgique. Soutenue par des acteurs majeurs de la musique, le genre musical s’est de plus en plus implanté en France et a commencé à attirer l’attention de l’Etat. Petit à petit, les événements de musique électronique ont commencé à se développer et à devenir plus grands et plus importants. C’est ainsi qu’en 1998, des organisateurs d’événements, des magasins de disques, les radios Nova et FG accompagnées par Jack Lang, qui était alors ministre de la Culture en France, ont organisé le premier événement d’envergure de la musique électronique dans Paris : la Techno Parade. Cet événement marquant a été une initiative visant à promouvoir la musique électronique et à reconnaître son importance culturelle.
La Techno Parade est désormais un événement majeur pour l’écosystème de la musique électronique. Il a ouvert la voie à tous les événements que nous connaissons aujourd’hui. Dans les années qui ont suivi, le nombre d’événements de musique électronique a connu une augmentation significative. Des collectifs ont émergé, organisant à l’origine des événements modestes rassemblant quelques centaines de participants. Au fil du temps, ces rassemblements ont évolué. À titre d’exemple, l’Electrobeach Music Festival a été lancé en 2009 avec une première édition rassemblant 40 000 festivaliers. Actuellement, il est le plus grand festival de musique électronique de France, accueillant 100 000 festivaliers lors de son édition 2023.
D’ailleurs, savez-vous d’où nous vient le mot « festival » ? Il trouve son origine au XIXe siècle, emprunté à l’anglais, pour désigner une période de fête ou une célébration musicale. Issu de l’ancien français, signifiant « de fête ». Aujourd’hui, il décrit un ensemble d’événements musicaux sur plusieurs jours. Ces événements sont souvent liés à un lieu, un genre musical, une époque, ou un compositeur spécifique. Les festivals ont émergé d’une riche histoire culturelle et sociale remontant à des siècles. En France, le nombre de festivals a considérablement augmenté, atteignant environ 6 000 en 2020. Parmi eux, environ 4 000 étaient dédiés à la musique. Il faut noter que 70% de ces festivals ont émergé après les années 2000, soulignant ainsi leur importance croissante dans le paysage culturel.
Selon l’étude SoFest de France Festivals, les festivals jouent un rôle essentiel sur le plan social et territorial. Ils contribuent à la vitalité culturelle et économique des régions, formant des îlots d’opulence et de dynamisme économique. La cartographie nationale des festivals de 2023 indique que plus de 40% des festivals en France sont dédiés à la musique, soulignant son rôle central. En 2016, la musique électronique représentait 17% du marché des musiques actuelles en France. Les festivals de musique électronique contribuent de manière significative en représentant 21% de cette part.
Les festivals électro ne reposent pas uniquement sur les recettes de la billetterie. En effet, ils diversifient leurs sources de revenus en incluant différents secteurs tels que la vente de boissons, de nourriture, les produits dérivés, les subventions publiques ou privées, les partenariats commerciaux, etc. Cette stratégie de diversification est cruciale pour assurer la stabilité financière, réduire la dépendance excessive aux recettes de la billetterie, et faire face à d’éventuelles variations d’affluence ou de coûts.
Ces festivals ont un impact économique significatif sur les régions hôtes, concentrant environ 60% d’entre eux dans trois régions françaises clés (Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie). Ils stimulent le dynamisme économique local en favorisant divers secteurs, tels que l’hôtellerie, la restauration, les transports et le commerce. Ces événements créent des opportunités d’emploi temporaires, stimulent le tourisme, attirant un public national et international, et suscitent une demande pour des services locaux tels que la sécurité et la gestion d’événements. Ainsi, les festivals de musiques électroniques contribuent significativement à l’économie et à la vitalité des régions où ils ont lieu.
De la crise à l’innovation
La crise sanitaire de 2020 a eu un impact dévastateur sur l’industrie des festivals électro en France. Les premières restrictions annoncées en février ont entraîné l’annulation ou le report de nombreux événements. Les organisateurs, artistes et fans ont été plongés dans une période d’incertitude économique et logistique. L’année 2020 s’est avérée particulièrement difficile, avec d’importantes pertes financières pour les festivals, certains devant même fermer définitivement.
Une étude de SoFest a estimé les pertes économiques totales des festivals électro en France entre 1,53 et 1,8 milliard d’euros. Les organisateurs ont dû faire preuve de flexibilité pour trouver des solutions alternatives. Certains ont réalisé des événements en ligne, d’autres ont mis en œuvre des protocoles sanitaires stricts et ont réduit leur capacité d’accueil. Cependant, ces adaptations ne pouvaient pas compenser entièrement les pertes financières, ni recréer l’expérience immersive des festivals habituels.
L’annulation des événements a également rompu de nombreux partenariats lucratifs et entraîné des pertes. Au-delà des pertes directes, l’absence de festivals a eu des répercussions économiques plus larges sur les industries locales. L’hôtellerie, la restauration, les commerces et les transports qui accueillent généralement les festivaliers ont été impactés.
En 2022, le budget moyen des festivals a augmenté de 19 % par rapport à 2019. Les coûts techniques, logistiques et artistiques ont suivi cette tendance, montrant une adaptation aux nouvelles attentes des festivaliers. Certains festivals électro ont innové en utilisant les nouvelles technologies, comme la vente de NFT, pour offrir des expériences exclusives. Les contenus numériques, tels que vidéos, interviews et expériences interactives, ont joué un rôle clé dans l’engagement des festivaliers. Les organisateurs ont renforcé leur présence sur les réseaux sociaux pour rester en contact avec le public. Ils ont également fourni des informations transparentes sur les mesures de santé et de sécurité.
Enfin, la crise a influencé les attentes des festivaliers, qui sont devenus plus sensibles aux enjeux de durabilité et d’engagement social. Ils recherchent des festivals adoptant des pratiques durables et attendent une communication transparente des organisateurs. Les festivals ont dû innover pour répondre à de nouvelles attentes. Cela reflète l’évolution constante de l’industrie de la musique électronique face aux mutations de notre monde.
Stratégies de communication dans l’univers des festivals : entre héritage et modernité
Les professionnels de la communication des festivals s’accordent largement sur l’absence d’outils de communication spécifiques dédiés aux festivals de musique électronique. Les moyens de communication employés, bien qu’occasionnellement novateurs, ressemblent à ceux utilisés pour d’autres genres de festivals musicaux. Ils englobent à la fois les méthodes traditionnelles de marketing et les stratégies de marketing numérique. L’accent est mis sur l’importance d’atteindre un public diversifié. L’adoption de moyens traditionnels s’avère justifiée. Il est question d’affichage publicitaire, de distribution de flyers, et de couverture médiatique afin d’atteindre un public diversifié, incluant ceux qui ne sont pas présents en ligne.
Cependant, selon Aurélien Dubois, fondateur des soirées Concrete et du Weather Festival, « les supports traditionnels (affiches, flyers) […] sont amenées à disparaître car le monde est plus conscient des enjeux du développement durable ». Ainsi, le marketing traditionnel sur supports numériques prend de l’importance. On observe une visibilité croissante des affichages numériques, notamment dans les centres commerciaux.
D’autre part, selon Jean-Maurice Guillard, responsable des partenariats pour le Delta Festival, « la communication physique nécessite un temps spécifique de communication » car, en fonction de la géolocalisation de votre cible, il est nécessaire que la campagne soit visible en amont du festival pour permettre aux festivaliers de se projeter. En parallèle, la communication digitale peut se faire tout au long de l’année. Ainsi, le marketing digital a pris de l’ampleur dans l’industrie des festivals de musique électronique. En particulier depuis la crise sanitaire, les festivals ont intensifié leur présence en ligne. Pour cela, ils ont utilisé les réseaux sociaux, le marketing par e-mail, la publicité en ligne, etc : pour atteindre leur public, interagir avec les festivaliers, promouvoir leurs événements et générer de l’engagement. Cette tendance s’est accélérée en réponse aux restrictions liées à la pandémie, jusqu’à rendre l’instrumentalisation des réseaux sociaux incontournable.
98% de notre public est français, ce qui signifie qu’il doit choisir entre notre festival et d’autres événements similaires. Notre objectif est donc de créer une expérience unique pour les festivaliers en travaillant sur une scénographie exceptionnelle, des animations variées, et en choisissant des lieux atypiques
explique Jean-Maurice Guillard
La concurrence entre festivals s’est intensifiée, ce qui place les festivals dans l’obligation de proposer une expérience toujours plus différenciée. L’importance de la communication autour de ces propositions est majeure, et la combinaison d’approches traditionnelles et digitales demeure cruciale pour atteindre un public diversifié, susciter l’engagement des festivaliers, tout en répondant aux préoccupations croissantes liées au développement durable et à la transparence.
Jean-Maurice Guillard, reconnaît également être dans une démarche proactive. Il se tient informé des dernières tendances, des actualités de la musique électronique, en France comme à l’étranger. Comment ? Grâce à des médias spécialisés comme Guettapen par exemple, mais aussi les comptes des festivals sur les réseaux sociaux. Cela permet de rester connecté avec la scène musicale et identifier de nouvelles opportunités. Mais aussi de s’inspirer des meilleures pratiques en matière de communication et de promotion. Les médias spécialisés et les plateformes en ligne sont essentiels pour les professionnels de l’industrie. Ils maintiennent la vitalité et la compétitivité du secteur en constante évolution.
Côté festivalier, les médias spécialisés peuvent jouer un rôle en tant que garants de qualité et sources d’informations précieuses. On peut y obtenir des recommandations, des conseils pratiques, et des informations détaillées sur les festivals. On y apprend aussi les dates de vente de billets et les codes de prévente. En somme, tout ce qui peut contribuer à éclairer les festivaliers sur ce qu’ils peuvent attendre de l’événement.
Finalement, les stratégies de communication conservent leurs bases, mais l’accent a changé. La présence en ligne, la promotion numérique et la diversification des contenus sont devenues essentielles. Les festivals électro allient approches traditionnelles et avantages du marketing digital. Ils s’adaptent aux changements de préférences et d’attentes du public, notamment post-pandémie.
Analyse comparative de la communication Instagram de festivals électro en France, avant et après la pandémie
Nous sommes allés examiner les comptes Instagram de trois festivals électro organisés en France : Tomorrowland Winter, Electrobeach Music Festival et Elektric Park. Chaque année, ces festivals attirent respectivement 40 000, 100 000 et 30 000 festivaliers. Notre principale orientation portera sur la comparaison de leur communication entre l’édition 2019, qui a précédé la pandémie de COVID-19, et l’édition 2022, considérée comme le « retour à la normale » après la crise sanitaire. Instagram a été choisi comme plateforme de prédilection, car elle est largement utilisée par ces trois festivals. Chacun des festivals de musique électronique étudiés a adopté une approche différente en matière de communication sur Instagram en 2019. Cette diversité d’approches reflète la personnalité et les objectifs spécifiques de chaque festival.
En 2019, les festivals de musique électronique comme l’Electrobeach Music Festival, l’Elektric Park Festival et Tomorrowland Winter privilégiaient donc une communication planifiée, évitant de perturber l’expérience en direct des festivaliers.
En 2022, une transition s’est opérée avec une communication plus active durant l’événement, utilisant des moments en direct et des performances. Chaque festival a ajusté sa stratégie, montrant une adaptation aux tendances des médias sociaux. Sur Instagram, les festivals ont intégré les moments de vie des festivaliers et la sécurité, y compris les mesures sanitaires. Mettant en avant la joie des participants, ils ont renforcé la connexion émotionnelle et le sentiment d’appartenance. La communication sur la sécurité a démontré la responsabilité des festivals envers la santé du public, avec des informations transparentes sur les protocoles liés au COVID-19. Les festivals ont également utilisé les « Réels » d’Instagram, ajoutant une dimension ludique à leur communication, diversifiant le contenu et renforçant leur présence en ligne.
Ainsi, après la pandémie, les festivals électro en France ont transformé leur image en mettant en avant la sécurité sanitaire tout en préservant l’essence de l’expérience festivalière. Mesures strictes et présence active sur les réseaux sociaux ont été combinées avec une adaptation aux tendances musicales, des pratiques durables et le marketing numérique, visant à assurer la popularité et la pérennité de ces événements emblématiques.
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