News : Armin van Buuren évoque sa dépression liée au classement DJ Mag

Habituellement sobre et discret notamment en ce qui concerne les interview, Armin van Buuren s’est récemment livré en profondeur dans le cadre d’un entretien accordé à l’édition internationale de DJ Mag. Après avoir évoqué ses débuts dans la Trance à l’aube des années 2000, et au milieu d’autres sujets tout aussi passionnants, la star s’arrête longuement sur un épisode marquant dans sa carrière – dans tous les sens du terme. Il aborde en effet sans concessions les effets qu’ont eu sur lui le succès mainstream, et particulièrement suite à ses titres de #1 DJ Mag. Après avoir reconnu l’importance de sa première victoire au Top 100, notamment pour le développement de sa carrière aux US, la star hollandaise apporte des précisions qui nuancent le plaisir qu’a pu lui apporter cette reconnaissance.

Directement après avoir été élu #1 pour la première fois en 2007, Armin s’est envolé à Los Angeles pour une date, il explique:

« Tout d’un coup, il y avait des mecs torse nu dans la foule. Ils ne venaient pas voir Armin van Buuren, ils venaient voir le DJ #1 dans le monde. […] C’est à ce moment là que j’ai réalisé ce que ce titre impliquait. Et avec ce nouveau public, il s’est mis à y avoir beaucoup plus d’attentes envers moi, en tout cas c’est le genre de pression que je me suis mise. C’est à partir de là que s’est développé la dépression dans laquelle je suis tombé en 2010. Je voyais un coach, et je n’étais pas heureux de la personne que j’étais, je n’aimais plus ce que je faisais. »

Armin justifie la dépression qui se développe chez lui à partir de ce moment:

« Je voulais faire plaisir à tout le monde. Et ce n’est pas forcément bénéfique d’être comme ça, car tu ne pourras jamais satisfaire 100% des gens, et pourtant c’est ce que j’essayais de faire à cette période. »

La conséquence?

« Je n’arrivais pas à dormir, je buvais beaucoup trop et notamment chez moi à la maison, j’étais totalement déprimé, déprimé d’être DJ #1. Ce n’étais pas un manque de reconnaissance par rapport à ce titre, c’est juste que je n’étais plus ce mec génial qui joue des titres que tout le monde aime, je devais aussi être le DJ #1 dans le monde ce que je n’arrivais pas à assumer. Je savais qu’un jour je ne serais plus #1 et j’étais terrifié que ce moment arrive, car qu’est-ce que je deviendrais ensuite? »

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Finalement, cette période de trouble prend fin en 2012 lorsque le hollandais perd sa place au sommet du classement. Il précise d’ailleurs que c’est cet événement qui lui a enfin permis de se libérer de sa pression. Il se dit très content que Martin Garrix soit devenu le visage qui incarne la nouvelle génération. Quand on lui demande ce qu’il adviendrait s’il se retrouvait #1 à nouveau, Armin explique qu’il en serait heureux et reconnaissant, mais qu’il sait désormais qu’essayer de satisfaire ses fans ne lui offre « aucune satisfaction personnelle ».

Le résultat concret de cette prise de conscience, c’est un meilleur équilibre entre satisfaire son public et se faire plaisir à soi-même. Avec moins de pression sur ses épaules, Armin explique avoir entamé un nouveau chapitre où il se tourne vers le songwriting et la production de titres plus orientés Pop. Une décision qui l’a aidé à retrouver sa passion en studio.

Quand on lui demande comment en tant que DJ il est arrivé à sortir de sa phase de dépression selon lui, Armin n’hésite pas:

« En faisant moins de dates, en apprenant à dire ‘Non’ plus souvent, ce qui est très difficile quand c’est ta passion. Soyons honnête, c’est un monde rempli de tentations, avec l’attention que tu reçois, voir même l’adoration ainsi que tout ce qui va avec – les jets privés, la drogue qu’on te propose, les femmes qui se jettent sur toi. Est-ce que c’est vrai? Oui, en partie. Mais ça n’a jamais été ce qui me guide, et c’est pour ça que je suis content d’être marié et d’avoir une famille stable. La naissance de ma fille en 2011 m’a quelque peu sauvé dans ce sens. »

Ce changement dans son rythme de vie et sa nouvelle manière de gérer ses tournées en tant que DJ, Armin le détaille avec précisions et exemples:

« Ça reste très tentant. Dave (son booking agent David Lewis, NDLR) m’appelle et me dit ‘Écoute, il y a cette date qui arrive, il y aura 40.000 personnes et ils te payent ce montant, tu y vas en Jet privé et ça prend seulement 2 heures, t’inquiète pas tu reviendras à temps pour l’exam de natation de ta fille’; chaque weekend on a une discussion dans ce genre. Mais je dis ‘Non’. J’ai eu une vrai discussion avec ma femme Erika à propos de ma nouvelle résidence au Kaos à Las Vegas. Je voulais faire plein de dates là bas car j’ai trouvé ça super excitant. J’ai vu les plans de ce nouveau club et ils voulaient que je sois une des têtes d’affiches. Mais j’ai simplement dit à Erika ‘Je ne peux pas le faire’. C’est la première fois que j’ai réalisé que j’étais à ma limite. Donc je fais cette résidence mais avec beaucoup moins de dates que ce qui m’a été proposé car je ne peux pas. »

 Pour expliquer à quel point il est compliqué pour lui de se forcer à réduire son rythme de tournée, Armin compare cela à de la dés-intox. Un parallèle déjà effectué par de nombreux DJ, mais le hollandais le voit quant à lui au sens littéral du terme, il s’appuie pour cela sur le livre « The Winner Effect » de Ian Robertson.

« La théorie du livre, c’est que l’énergie qu’on ressent quand on est sur scène -les endorphines qui sont sécrétées dans notre cerveau- est extrêmement addictive. L’auteur pense même que le niveau d’addiction peut être équivalent à sniffer de la cocaïne. Personnellement je ne l’ai jamais fait mais j’ai trouvé la comparaison pertinente. Et le livre dit aussi quelque chose qui m’a choqué, c’est que sous l’influence de ces endorphines que libère ton cerveau quand tu es sur scène, ton cerveau évolue littéralement, on peut même voir la taille du cerveau changer au microscope. Demandez vous pourquoi les Rolling Stones sont toujours sur scène à 70 ans. »

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Dans son interview, Armin van Buuren est pleinement conscient que la liberté avec laquelle il évoque les thématiques liées au rythme de vie en tournée -ainsi que les soucis de santé mentale et de bien-être que provoquent son métier- est quelque chose de nouveau. Quand on le relance sur ce sujet et qu’on lui demande à quel point la mort d’Avicii l’a affecté, il répond:

« Très fortement. Oui vraiment très fortement. Le décès d’Avicii est probablement le jour le plus sombre de la Dance Music, car il est le premier à s’en aller – et même si je ne l’espère pas, je pense que d’autres vont le rejoindre. Je vois beaucoup de DJs atteints dans leur santé mentale – plus que je ne peux dire dans cette interview. Il suffit d’une seule mauvaise nuit, d’une seule mauvaise décision. Même si on en est plus conscients maintenant, j’ai tellement peur que d’autres DJs soient victimes de ça.
En 2010, les quelques DJ qui étaient au courant de ma dépression avaient plutôt tendance à en rire – ce n’était pas commun d’en parler. […] C’est super qu’on puisse en parler maintenant. Quand j’étais #1, j’aurais eu peur d’en parler, même à vous. C’était tabou. Je n’ai jamais pensé au suicide ou à quoi que ce soit, ce sont des choses qui dépendent de ton caractère et de ta personnalité, ou des gens qui t’entourent, il y a plein de facteurs à prendre en compte. Je suis très chanceux d’avoir reçu une éducation stable et d’une certaine manière, je ne me sens pas du tout comme faisant parti de cette industrie, car je n’ai jamais été un « party animal » contrairement à plein d’autres DJ qui sont maintenant des légendes. »

Retrouvez l’intégralité de l’interview réalisée en anglais et intitulée « Armin van Buuren’s trance evolution and the dark side of success » en cliquant ici.

AGZ