Grand Angle : Purple Disco Machine, nouveau roi de la Disco

DJ/producteur appartenant au cercle très fermé des artistes qui comptabilisent au total plus d’un milliard de streams, Purple Disco Machine a largement contribué à remettre la Disco/House au centre du jeu. Lady Gaga, Dua Lipa, Diplo, Elton John : tous veulent désormais de Tino Piontek, de son vrai nom, un remix de leurs morceaux respectifs. Rencontre avec un passionné de musique qui n’a jamais perdu la flamme.

Purple Disco Machine revient tout juste du Mexique, pays où il a achevé sa tournée sud-américaine. Installé confortablement chez lui, à Dresde, en Allemagne, il est en transit pour une poignée de jours, avant de repartir en voyage. En attendant sa prochaine destination, il a accepté de prendre le temps de répondre à nos questions. Accompagné par une partie de son management, le DJ/Producteur allemand est à l’heure. Il est midi lorsque notre entretien débute.

Pour Tino Piontek, tout débute en Allemagne de l’est, à une époque où le mur de Berlin tient encore debout. Son éveil à la musique débute très jeune, par l’intermédiaire de ses parents. Elle est alors diffusée en permanence chez lui, à Dresde, où il réside toujours. Son père ramenait quelquefois du marché noir des cassettes et vinyles de contrebande. Toutefois, c’est sa rencontre avec la musique électronique qui va tout changer. En 1997, il découvre ‘Homework’ de Daft Punk. Une révélation : « Ça a changé la donne pour moi, car à partir de ce moment-là, j’ai su que c’était exactement le style de musique que j’avais envie de produire et de jouer ». Plus tard, il aura l’occasion de les voir jouer sur scène lors de leur tournée légendaire Alive 2007 : « Deux des meilleures heures de ma vie ».

A l’époque, ses parents ne sont pas fans de cette musique, et ils ne sont pas les seuls. C’est toute sa ville natale qui vibre au rythme de la Techno. La House peine à se faire une place dans un paysage musical saturé par les morceaux venus de Berlin. Qu’importe : chaque vendredi, le futur Purple Disco Machine passe au magasin de disques au coin de sa rue à rechercher (non sans mal) les nouvelles compositions des Cassius, Dimitri From Paris et consorts. Il finit même par travailler dans l’un de ces magasins, sans y gagner grand-chose : « A ce moment-là, je crois que j’étais mon meilleur client. J’y dépensais tout mon argent. Je ne crois pas y avoir gagné un centime. »

A 18 ans, Tino aime particulièrement deux choses : les sons de la French Touch qui tournent sur des samples de Disco, de Funk et de Soul, et les DJs, même s’ils jouent exclusivement de la Techno. Presque naturellement, si l’on peut dire, il décide d’entamer une carrière de DJ/Producteur sous le nom de Stereofunk. Pendant dix ans, cela fonctionne plutôt bien : il joue dans plusieurs pays en Europe, sort de nombreux morceaux et deux albums.

Mes premières soirées étaient des soirées Techno, les soirées où l’on jouait de la House n’existaient pas. Ce n’était pas la musique que j’aimais (mais) j’aimais voir les DJs mixer. J’étais le genre de personne qui reste à deux mètres du DJ pour écrire les sons qu’il joue et… pour le regarder jouer.

Purple Disco Machine

A la fin des années 2000, une nouvelle vague dans l’univers de la musique électronique va mettre fin à ce projet. Cette nouvelle vague s’appelle l’EDM et elle va « tuer la House » selon ses propres termes. L’allemand se retrouve alors presque contraint de prendre la vague sous la « pression » pour ainsi dire de son agence de booking, qui lui garantit en contrepartie plus de dates. Il déteste cette musique qui émerge et dans laquelle il ne se reconnait pas. Frustré et réalisant qu’il n’y a plus désormais de place pour Stereofunk dans des festivals inondés de Big Room, Tino Piontek fait un choix difficile et radical : il renonce à ce projet artistique.

Ça a été une décision difficile mais je n’étais plus heureux (…) j’ai travaillé comme instituteur dans une école élémentaire pour payer les factures. 

Purple Disco Machine

Ce retour à la vie « civile » n’entame pourtant pas sa passion pour la House et pour la musique en général. Un peu comme on se lancerait dans un nouveau hobby, Tino Piontek recommence à produire des morceaux, sous un nouveau nom : Purple Disco Machine. « PDM » est complètement à contre-courant de l’EDM mais qu’importe : « Je m’en fichais que quelqu’un signe ou joue mes morceaux, je voulais juste faire la musique que j’aimais vraiment ». Il puise dans les inspirations de sa jeunesse : le groove des morceaux de Prince (on se demande d’ailleurs si son nouveau nom n’est pas inspiré du titre « Purple Rain »), la Disco (« Cette musique connecte les gens et génère des ondes positives, elle est faite pour le dancefloor » dit-il) ou encore le groupe Miami Sound Machine. Purple Disco Machine est né.

Quelques années après s’être lancé « pour le fun », Tino Piontek abandonne son job d’instituteur et redevient un musicien à plein temps. « Je crois que la raison pour laquelle ça a marché si vite est que j’étais totalement libre dans ma tête. » En 2013, son track « My House » atteint les sommets des charts sur Beatport. Il se fait (bien) remarquer mais il décolle vraiment, selon lui, à partir de 2017.

Cette année-là, il sort son premier album ‘Soulmatic’, qui comprend la désormais célèbre ‘Body Funk’. Cette année-là, il part aussi en tournée avec le groupe Jamiroquai, dont il est fan, et pour qui il remixera ‘Cloud 9’. Il est leur warm-up pendant 2 mois. « Ça a été une énorme expérience, un autre point de bascule dans ma carrière. Ça m’a ouvert tellement de portes. Je suis devenu ami avec plusieurs membres du groupe, avec qui j’ai travaillé sur mon second album ». Le succès arrive, les nombreuses demandes avec (par exemple, il reçoit aujourd’hui plus d’une vingtaine de demandes de remix chaque semaine), mais pas de quoi bousculer l’équilibre, tant professionnel que personnel, du natif de Dresde. C’est aussi l’occasion pour lui de côtoyer certaines légendes de sa jeunesse comme Busy P, dont il ne tarit pas d’éloge.

La chose la plus importante pour moi est de trouver un équilibre envie ma vie privée, ma vie de famille et le fait de partir en tournée. C’est difficile. Mais d’un autre côté, j’aime les deux, et je ne pourrai pas vivre une seule de ces vies. Les deux me rendent heureux.

Purple Disco Machine

En 2020, l’Europe et le monde sont frappés par l’épidémie de COVID. Purple Disco Machine est, comme tout le monde, confiné chez lui. Une période qu’il vit avec optimisme mais non sans mal : « Ne plus pouvoir partir en tournée m’a manqué. Même l’odeur des aéroports, que je détestais pourtant, me manquait. Parfois, c’était vraiment étrange, je marchais jusqu’à l’aéroport de ma ville pour prendre l’air et aussi, par nostalgie ». Il profite quand même de cette période car il peut (enfin) retourner en studio pour composer ‘Exotica’, son deuxième album. Parmi les différents titres de celui-ci, ‘Hypnotized’ connait un succès fulgurant. Mais lorsqu’on lui pose la question de son track préféré, Purple Disco Machine choisit ‘At The Disko’, qui est pour lui la quintessence de son style : « Mon choix serait chaque jour différent, mais aujourd’hui je dirai ‘At The Disko’. C’est un mix de funk, de soul, de disco (…) il y a même un peu de UK House avec le piano, une partie au vocodeur (…) ce track combine toutes mes influences »

Avec cet album, aucune volonté particulière de laisser une trace, cela n’est à ses yeux pas important et il cherche toujours à perfectionner son style : « Je pense plus au futur qu’au passé. Mon moteur c’est simplement de prendre du plaisir à composer (…) je suis toujours à la recherche de ma nouvelle signature musicale pour les dix prochaines années ». Dans les cinq prochaines années, il espère que son « moteur » se sera pas rouillé.

Quoiqu’il en soit, on sent que Purple Disco Machine est apaisé. Il n’est désormais plus aussi « exotique » dans son pays natal comme il avait pu l’être ou, du moins, le ressentir dans sa jeunesse. C’est un artiste reconnu en Allemagne, et peut-être encore davantage au-delà. Il fait aussi partie des rares artistes à avoir l’approbation des radios « mainstreams » et d’une scène plus underground qui l’invite volontiers au Rex Club à Paris. Toutefois, est-ce assez pour qu’enfin s’ouvrent à lui les portes du Berghain, citadelle de la Techno à Berlin ?

(il rigole) Je ne sais pas. Si le Berghain me demande de venir jouer, je pense que je répondrai ‘Oui, pourquoi pas’. Mais est-ce que la police de la Techno berlinoise m’autoriserait à jouer un set de Disco/House…. Je n’en suis pas sûr. Après… Kylie Minogue s’y est produit. Pourquoi pas moi ?

Purple Disco Machine