Il collectionne autant les bobs que les vinyles et est un grand amateur du 7ème art, c’est aujourd’hui Folamour qui a accepté de nous recevoir à l’occasion de Grand Angle. Quelques semaines après la sortie de son 3ème album studio, le lyonnais est détendu, en plein processus de création. The Journey marque un tournant en termes de production pour le jeune frenchy. Hors de sa zone de confort, il a réussi à faire évoluer sa musique, moins électronique et plus organique. Alors The Journey, l’album de la maturité ou simple étape de vie pour Folamour ?
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Il est tout juste 15 heures, Folamour, de son vrai nom Bruno, se pose devant son écran pour ce qui va alors être 1h15 d’un échange passionnant. Une serviette sur les cheveux, on peut dire que cela change des flammes que l’on peut voir dans son clip “Just Want Happiness” : garanties sans effets spéciaux ! Depuis un peu plus d’un an et demi maintenant, il a quitté la frénésie Londonienne pour venir s’installer près de Lyon. Un retour aux sources pour celui qui a débuté en organisant des soirées House dans la ville Lumière.
Mais placer Folamour dans une seule case comme celle de la house serait quelque peu réducteur, tant ses influences musicales sont larges et riches d’éclectisme. Du jazz au hip hop, de la soul au disco en passant par la folk ou la pop, on peut dire qu’il est un véritable mélomane, à la recherche constante de la mélodie qui va le faire vibrer. Cette passion pour la musique, elle a d’abord débuté par le rock. Dès l’âge de 10 ans c’est avec des groupes comme Oasis, Radiohead, Lenny Kravitz ou encore Blink 182 qu’il commence à se construire. Le Hip Hop, le R&B et le Jazz sont venus rejoindre ses goûts musicaux peu de temps après et c’est bien plus tard qu’il découvre sa passion pour la house music, le disco ou encore la funk.
De cette passion, découla l’organisation de soirées dans sa ville natale : Lyon. Là où la techno était très (peut-être un peu trop aux yeux de Folamour) représenté, la house était quant à elle quasi inexistante, face à ces beats sombres et lourds. C’est alors que l’association Touche Française née, et avec elle, une cascade de soirées et de concerts. Folamour lui-même mixait souvent en warm up et des invités prestigieux comme Moodymann, Kerri Chandler, Soundstream ou encore Moomin s’y succédaient. Autant de rencontres dont celle de Éthyène, Kaffé Crème et Saint Paul qui sont par la suite devenu de réel amis, et qui lui ont insufflé l’envie de créer une communauté.
De fil en aiguille, Touche Française a ouvert les portes qui ont mené à Moonrise Hill Material, son premier label. Celui-ci est créé et co-dirigé avec ses amis Éthyène, Kaffé Crème et Saint Paul. Diriger un label à 4 peut être une bonne idée mais qui a ses limites. En effet, le processus de validation au sein du label devient extrêmement long. Ainsi que, avec l’envie de signer des artistes qu’il rencontre au fur et à mesure de sa route et avec lesquels il a envie de travailler, Folamour crée FHUO (For Heaven Use Only). Un label où il était cette fois-ci seul aux commandes avec aucun objectif précis et sans la moindre ambition financière.
“En fait le label c’est juste une main tendue vers des artistes que j’apprécie”
Folamour
Cette phrase résume bien la philosophie et la manière dont Folamour dirige sa carrière, et de manière plus large sa vie : avec feeling et spontanéité. Tout ce qu’il entreprend est régi par cette philosophie qu’il applique également lors des choix de personnes avec lesquelles collaborer.
C’est également au cours de l’aventure Touche Française que Folamour commence à produire. Alors qu’il avait été batteur et guitariste dans son adolescence, c’est tout naturellement qu’il n’a aucune envie de produire sur ordinateur lorsqu’il commence à vouloir créer sa propre musique. “Ça ne me plaisait pas du tout.”
Par la suite, le jeune artiste a eu la chance et la malchance d’être cloué chez lui quelque temps. “Je me suis dit : quitte à m’ennuyer, autant apprendre à utiliser Ableton.” Et on ne regrette pas aujourd’hui cette mésaventure qui a obligé Folamour à apprendre à produire autrement que via de réels instruments, en particulier lorsque l’on voit une qualité qui continue d’être au rendez-vous, release après release. Mais être assis derrière une machine afin de produire de la musique ne lui fait pas perdre son côté humain pour autant. Bien au contraire ! Humaniste dans l’âme, il essaie au travers de chacune de ses productions, de faire passer un message, qu’il soit politique, social, environnemental ou encore de paix. Ces valeurs qui lui sont si chères viennent tout droit de sa passion et de son amour dans la house des origines comme il aime le dire.
Les grosses voix noires qui chantent le fait de s’apprécier soit même, le fait d’aimer les autres, de rejeter les émotions négatives et la haine ou d’être tout le temps positif… c’est quelque chose qui m’a beaucoup touché à l’époque et que j’essaie de garder dans ma musique
Folamour
Mais le monde n’est pas tout rose et Folamour en a bien conscience. Pour cette raison, sa musique ne s’arrête pas qu’à cela est au final bien plus complexe. Croire dans le futur, croire en nous, croire en les gens autour de nous et ne pas tomber dans la division, voilà un exemple des valeurs qu’il essaie de défendre et de diffuser via ses morceaux.
The Journey, le pas franchi hors de sa zone de confort
Après la frénésie et le béton londonien que l’on retrouve sur la pochette de son précédent album, c’est un Folamour libre de proposer une œuvre radicalement différente qui émerge durant ces trois dernières années. Beaucoup plus organique et vivante, cette œuvre mûrie durant 3 années d’un voyage initiatique débuté au moment où le projet Folamour a réellement décollé, jusqu’au début de la pandémie. Un voyage à la fois intérieur mais également physique.
L’explosion de mes tournées quand j’ai commencé à tourner en permanence ce que ça m’a fait ressentir, le fait de m’installer à l’étranger ce que ça m’a fait ressentir, des choses personnelles qui me sont arrivées, donc j’avais envie de raconter cette histoire là.
Folamour
The journey, est un chapitre de la vie de Bruno, à jamais gravé dans la musique. L’histoire d’un homme dont la famille algérienne a immigré en France, qui a lui-même décidé de partir s’installer dans un autre pays, afin de saisir des opportunités. C’est d’ailleurs là une thématique importante de cet album : l’immigration. On la retrouve notamment dans le morceau “The Journey” réalisé en featuring avec l’artiste zimbabwéen Zeke Manyika. Au final, chaque titre de l’album décrit une émotion bien précise. Chaque style musical est là pour raconter un moment de vie, représenter des histoires, ramener des souvenirs à la vie.
Il y avait nécessité de trouver plein de genres différents parce que l’histoire était très différente et complexe. Il y avait beaucoup d’histoires très différentes avec des émotions différentes. Pour les raconter, il fallait des genres différents.
Folamour
Une chose qui saute aux yeux lorsqu’on écoute pour la première fois l’album au complet. Entre afro house, breakbeat, hip-hop, soul, house, pop ou encore folk, The Journey peut, au première abord, s’apparenter à un voyage totalement décousu. Mais au fur et à mesure des écoutes, on se rend compte que tout s’enchaîne de manière très fluide et convaincante et on en vient à deviner les émotions derrière chaque morceau. Comme au travers de Resonate ou Lost in Space qui sont des tracks résolument pop abordant les thèmes du départ pour l’un, et de la solitude pour l’autre. Chaque morceau fait passer un sentiment bien précis.
Ces deux titres démontrent à eux seuls toute la liberté et la prise de risque que s’est autorisé le jeune lyonnais à prendre dans la composition de ce nouvel album. Une façon également de se renouveler et de continuer à faire un métier qui le passionne toujours autant, bien que le public puisse avoir un temps d’adaptation plus long pour le suivre dans cette nouvelle aventure.
Ce qui m’intéresse c’est de construire quelque chose de stable qui me donne du plaisir à faire pendant les 30 prochaines années
Folamour
La pop étant un style que Folamour n’avait encore jamais proposé dans ses productions, notamment car il s’agit peut-être l’un des styles les plus compliqué à produire. En effet, faire une chanson qui reste dans la tête et qui soit universel, n’est pas donné à tout le monde et ça, il en avait bien conscience.
“C’est le premier album où je me suis senti à l’aise pour faire même de la pop, et c’était une étape vraiment dure. Déjà parce que, malgré ce que les gens peuvent penser, faire de la pop c’est sûrement la chose la plus compliqué en terme de musique. C’est probablement le style de musique le plus complexe et beaucoup de genres ne veulent pas comprendre ça”
L’écriture de partitions de violon et de cuivres à elle aussi été une grande première, avec comme résultat un album qui sonne globalement moins électronique et beaucoup plus organique avec des sonorités plus authentiques que jamais.
Pour une fois sur cette album j’avais envie de faire quelque chose d’un peu ambitieux dans la façon de le travailler […] j’avais vraiment envie de mettre les moyens pour que le son soit conséquent et pour ça, rien de mieux que d’enregistrer des instruments en live.
Folamour
Mais la singularité et la variété des genres musicaux présents dans l’album ne sont pas les seuls atouts qui le rendent si spécial. Le producteur aux multiples bobs s’est également essayé pour la première fois au chant, en posant sa voix sur deux titres présents dans ce LP.
Pas prévu de prime abord, l’actualité du covid et le premier confinement qui s’en est suivi ont permis de débloquer un réservoir de temps quasiment illimité, dont Bruno a tiré profit et osé franchir le pas, celui de chanter sur ses propres productions.
Toutes ces choses mises bout à bout font de The Journey, le projet le plus ambitieux à ce jour pour Folamour. Alors est-ce l’album de la maturité pour lui ?
“Chacun de mes albums est un peu un album de la maturité parce que petit à petit je me rapproche de l’album que je rêve de faire et qui me prendra surement encore 20 ans à faire”
Folamour
Pas vraiment donc, autant dire que Folamour encore beaucoup d’autres projets en tête avant d’espérer, peut-être un jour, atteindre cette album utopiste.
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