Valeur Montante : Wavedash

Six ans après ses premières releases, Wavedash prend son envol et semble avoir définitivement lancé son histoire avec la sortie attendue d’un album entamé il y’a quatre ans de cela. Souvent cité parmi les noms les plus prometteurs de la scène bass Nord-Américaine, le trio composé de Gavin Bendt, Luke Shippey et Michael Stone réussit un tour de maître sur « World Famous Tour », un opus aussi sincère qu’abouti qui figure en bonne place parmi nos coups de cœur de 2021.

Basés à Austin, les texans sont rapidement signés par Skrillex sur OWSLA, s’imposent chez Mad Decent ou Insomniac avant de rencontrer SLANDER. Le duo les prend sous son aile, inaugurant en 2018 son label Gud Vibrations aux côtés de NGHTMRE avec une production des trois Wavedash. C’est notamment par leur intermédiaire que le groupe trouvera sa manageuse, Connie qui fréquentait Derek des SLANDER. Luke raconte, « Quand Connie nous a contacté pour rejoindre Slush Management, on a cru à une sorte de blague en voyant les noms du roster: Mat Zo, The M Machine, Porter Robinson, que des gens qu’on admirait ».

Pendant qu’ils se révèlent via les drops ravageurs de « Bang », « Move Back » (avec SLANDER) ou « Grave » (avec NGHTMRE), Wavedash commencent en coulisse à dessiner les contours d’un projet bien plus ambitieux. « Jusqu’à présent, les seules productions qu’on avait pu sortir tournaient autour de la Dubstep et autres éléments Bass Music, mais au fond de nous, on sentait qu’on était un peu plus que trois mecs capables de produire un drop efficace. » explique Luke.

Gavin développe: « On a travaillé instinctivement sur des sons dont on s’est rendu compte qu’ils sonnaient différemment de tout ce qu’on avait pu faire jusqu’ici. C’est comme ca qu’on s’est mis sur la piste d’un album. L’idée est apparue à partir de 2016, avec “By Any Means” qui nous paraissait déjà être un titre très spécial. Il a fallu attendre 2019 pour que tout commence à se décanter et qu’on travaille vraiment dans un mindset d’album. »

Michael, Gavin et Luke

Avoir tous ces sons qui offrent un aperçu plus large des différents styles qu’on maîtrise, de nos goûts musicaux, et de voir que c’est maintenant ce qui nous caractérise auprès de notre public, ça donne un vrai sentiment de bonheur. L’impression de passer un cap dans notre carrière.

Luke

A l’automne 2020 sort « Dummo Loop », premier single déjanté d’un album qui se révélera particulièrement riche et varié. Après quatre années de tâtonnements, d’expérimentations et d’affinage.

« Avec l’album qui commençait à se dessiner, une certaine pression est arrivée » raconte encore Luke. « Cet état d’esprit est devenu un peu effrayant voir contreproductif. Michael nous a fait écouter une demo et on a enfin eu le courage de se montrer ce qu’on avait tous bossé de notre côté. Au final, on a kiffé ce que chacun a proposé. Jusqu’ici on avait quasiment que des sons sérieux, mais à partir de ce moment on a réussi à proposer des sonorités plus triomphantes, fun, bouncy, qui nous ont ouvert de nouvelles perspectives. »

Si « World Famous Tour » est si joyeusement chaotique, avec des textures multiples, des registres nombreux et des inspirations diverses, passant de la bouncy « Dummo Loop » aux trap horns de « Stallions » sans oublier les sonorités wave/neotrance de « Void; Reciprocate, Love » ou encore à l’univers arcade de « Shi(f)t », c’est parce que le trio suit un process créatif aussi libre qu’exhaustif.

« Dans pas mal de groupes, une seule personne est souvent responsable de l’écriture. On est tous les trois portés sur la créativité, on s’implique donc tous dans l’écriture. Pendant longtemps et encore aujourd’hui, pas mal de sons ont été écrits dans des chambres séparés d’une même maison » décrit Michael tandis que Luke renchérit: « On vient de backgrounds différents, et c’est cool car chacun apporte des choses dont les autres seraient incapables. D’une certaine manière on travaille parfois en se remixant chacun mutuellement, et le produit final comporte souvent des petites touches personnelles qu’un auditeur averti pourrait relever. C’est un processus continu, depuis les six ans où on travaille ensemble, on n’a pas arrêté de se découvrir, d’apprendre ce qu’on veut et d’optimiser notre façon de bosser en tant que groupe. »

Dans la scène électronique, plein de gens préfèrent cacher leurs influences afin de ne pas être vus comme des producteurs sans originalité. Ce genre de d’auto-censure n’est pas forcément saine pour un artiste qui veut donner le meilleur de lui-même.

Michael

Qui dit trio dit univers multiples et inspirations diverses, c’est ce qui ressort vivement de l’écoute de l’opus. Tandis que de nombreux DJ/producteurs cherchent à créer ou suivre la tendance, « World Famous Tour » ressuscite l’innocence et la créativité qui caractérisaient les productions Trap, Dubstep ou Future Bass au milieu des années 2010, le tout avec une vision personnelle et un sound-design léché.

Les trois partenaires débriefent tout cela pour nous. « Un des fils rouges de l’album, c’est de montrer ce qu’on aime dans la musique électronique, et notamment ce qui a fait qu’on en est tombé amoureux. Les plus évidentes des influences sont Rustie, Hudson Mohawke, Skrillex, SebastiAn, Justice, Daft Punk, ou Porter Robinson. » Michael approfondi: « Pour nous, ca a été important d’assumer nos influences. Quand tu entends un album ou un son que tu adores, l’une des premières choses que tu vas faire c’est l’envoyer à tes amis en leur disant à quel point tu trouves ça cool. C’est dans cet état d’esprit qu’on a voulu concevoir cet album. »

En tant qu’adultes et personnes passionnées, c’est horriblement ennuyeux et inintéressant de rentrer dans une compétition pour savoir qui a les meilleurs mixdowns ou qui a les kicks et snares qui tapent le plus fort.

Luke

Entre tonalités nostalgiques et vision moderne, Gavin expose l’équilibre que le groupe a cherché sur « World Famous Tour » :
« Je trouve que c’était très important pour nous de capturer l’énergie de ce qu’on a commencé par découvrir en matière d’électro, entre 2009 et 2014, ces années formatrices où la Trap est arrivée et la Dubstep n’avait pas encore atteint son pic de popularité. Si tu regardes en arrière, il y avait tellement d’expérimentation et de sons différents. On pourrait toujours dire ça aujourd’hui, mais une bonne partie de la scène est un peu rentrée dans un tunnel. Les gens sont devenus très bons pour récupérer les éléments forts de ce qui existe déjà, dans ce contexte c’est difficile de proposer quelque chose de frais. On ne voulait pas faire quelque chose de frais mais juste faire ce qu’on aimait, et ça correspond à ces années formatrices dont on a voulu restituer l’esprit. »

Michael se souvient: « Il y a ce tweet d’A-Trak qui dit quelque chose comme “On écoute tous des sons différents alors pourquoi est-ce qu’on joue les mêmes titres dans nos sets?” qui nous a procuré un déclic. Il n’y a pas raison pour laquelle on ne peut pas joindre nos passions pour Jamie XX et Skrillex, ou celles pour Jai Paul et Justice. »

Au bout du compte, ce que les fans ressentent et apprécient, c’est quand tu te fais plaisir sans faire de concessions, cette authenticité est toujours apparente et appréciée.

Gavin

Acquise au long d’un processus qui aurait pu rendre fou, l’authenticité transparente de l’album et la sérénité progressivement dégagée durant sa conception doit aussi beaucoup aux mentors des Wavedash. Parmi eux on l’a dit, SLANDER et NGHTMRE, mais aussi Porter Robinson, qui a très souvent appuyé la sortie de l’album sur ses réseaux sociaux.

Luke se souvient avec malice: « On avait eu plusieurs occasions de le rencontrer, mais il était souvent très demandé et on ne voulait pas trop se présenter à lui au milieu d’une foule d’autres gens. A l’EDC 2018, on a parlé pendant plusieurs heures juste avant son show, sa petite amie Rika avec qui il reste en contact habituellement avant d’entrer sur scène s’était carrément inquiétée de ne plus recevoir de nouvelles. »

Il poursuit: « Cette relation avec Porter est incroyable, il a été notre plus grand support durant le processus de l’album. Hors de nous trois et nos colocataires, il était notre confident le plus proche. Il a toujours pris le temps d’écouter comment avançait l’album et de donner des feedback. Ça a été très encourageant et c’est fou de pouvoir considérer comme amis des gens qu’on admirait plus jeunes. »

Porter à été très important pour nous aider à finir l’album et à se distancier du besoin d’obtenir une certaine validation.

Michael

De longues années après ses prémices, « World Famous Tour » voit finalement le jour en avril dernier, accueilli avec beaucoup de ferveur par le public du groupe ainsi que de nombreux artistes proches de celui-ci. Un peu anxieux à l’idée de montrer au monde ce « bébé qu’on a fait grandir pendant quatre ans », Luke, Gavin et Michael seront passés par tous types d’émotions dans un contexte de pandémie où la santé du streaming, la tenue des habituelles tournées d’albums ou plus généralement l’attention des fans semblent moins prévisible que jamais. Ils relativisent cependant.

« Tu te rends compte que tu met beaucoup d’intentions dans ton œuvre, mais que d’un autre côté tout cela n’a plus trop d’importance au moment de la sortie de celle-ci dans la mesure où quand l’album sort il ne t’appartient plus à toi mais à tout le monde » conclue Luke.

World Famous Tour est disponible chez Gud Vibrations/Insomniac Records