Dossier : L’effet ‘Hit Parade’ ou l’influence majoritaire

Vous êtes-vous déjà demandé si l’influence des personnes de votre entourage impactait sur vos goûts musicaux ? Vous êtes-vous fait VOTRE propre opinion sur un morceau avant d’avoir celui des autres ?  Voici autant de questions que nous voulons soulever au cours de ce premier dossier consacré à un phénomène appelé « l’influence majoritaire » ou encore « le conformisme ».

La conformité, selon la définition générale de Levine et Pavelchak en 1984, est définie comme étant « un individu modifiant son comportement ou son attitude afin de le mettre au mieux en harmonie avec le comportement ou l’attitude d’un groupe ». En s’appuyant sur des exemples réalisés par ces chercheurs, ainsi qu’une vidéo de la chaîne Youtube de Horizon Gull qui vulgarise ce sujet (mettant la compréhension de la psychosociologie à la portée de tous), nous allons démontrer que la majorité n’est pas une preuve sociale de qualité d’un produit, et en l’occurrence, d’un morceau de musique.

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Le premier exemple (un des plus connus dans le milieu) est l’expérience de Muzafer Sherif (Source 1, Partie II). Les résultats de cette expérience démontrent que les individus préfèrent se conformer à une sorte de norme sociale et donc se conformer à la majorité, plutôt que d’affirmer ses goûts personnels qui pourraient aller à l’encontre du groupe. L’esprit critique du sujet avoisine donc le néant, la remise en question pouvant être mal perçue. L’affirmation ne tient debout que par la seule force de l’argument de la majorité, celle de se dire « Si tout le monde fait comme ça, pourquoi devrais-je faire différemment ? ».

La seconde expérience est celle de Salomon Ash (Source 1, Partie III). Le principe est qu’un individu-sujet rejoint un groupe de 9 autres personnes (complices entre elles) et répondent à une série de questions élémentaires. Les résultats, pour faire court, démontrent que, alors même que le groupe livre des réponses évidemment fausses, le sujet va … suivre le groupe, ce qu’on appelle communément « un mouton de Panurge ». La pression sociale prédomine sur l’individu, même si la majorité se trompe. Les causes de ces 2 expériences est donc directement lié à des notions de peur de l’exclusion, de peur de la différence et du rejet du groupe.

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Une pression sociale plus grande s’apparente à la réduction du diamètre du cercle « Les Autres » qui peut empiéter / compresser le cercle « L’Individu ».

La dernière expérience est une conséquence directe des 2 autres, et rentre totalement dans notre thématique musicale : l’effet « Hit Parade » (Source 2). Plusieurs groupes de personnes sont invités à télécharger des musiques dans un choix de 50 morceaux. Dans un premier temps, le nombre de téléchargements de musiques n’est pas affiché et ne fait pas office de classement, de top, actualisé en temps réel. Dans un second temps, c’est le cas, le nombre de téléchargements est affiché, et un classement est réalisé. Conséquences : le premier test donne un résultat homogène du nombre de téléchargements par morceau. A contrario, le second test permet de voir que les personnes s’auto-influencent ! Un titre se dégage plus que tous les autres. Est-il meilleur que les autres ? Réponse : non. L’expérience peut être répété 10 fois, il y aura 10 résultats différents !

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Un « top » est soit le fruit du hasard de l’auto-influence, soit le but d’un projet visant à influencer les individus. Reste à savoir les motivations de ses auteurs…

En conclusion, nous pouvons dire que la majorité est un faux argument de qualité en ce qui concerne la musique en particulier. Le TOP 10 Beatport n’est pas une preuve directe que les morceaux vendus sont au dessus de tout ce qui se fait actuellement en musique électronique. Prenons l’exemple d’un DJ sur un mainstage type UMF qui, à l’aide d’un mouvement de bras et d’un micro, arrive à persuader des milliers de personnes à faire exactement le même balancement de bras, de gauche à droite. Le phénomène est un exemple directe de l’expérience de Muzafer Sherif : plus le nombre de personnes dans un groupe est important, plus la pression sociale sur l’individu est grande, proportionnellement à l’effet dit « de masse ». Ne pas secouer les bras de gauche à droite dans un groupe de 10 personnes, ça passe. Ne pas le faire en présence de 10 000 personnes, c’est une sorte d’exclusion, un refus du groupe.

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C’est pour ceci que l’esprit critique est un atout majeur afin d’avoir un avis construit selon des critères qui nous semblent les plus objectifs avant analyse(s).

Nous touchons ici une problématique réelle de la société actuelle et notre mode de consommation en général. Devons-nous nous fier à une tendance, un classement ? A-t-il été mené à la baguette pour être établi de la sorte ? Et si oui, qui le manipule ? Etc, etc… Il ne s’agit pas là de remettre en question l’ensemble des préférences du marché actuel mais peut-être d’envisager une remise en question personnelle de chacun afin d’en extraire un avis constructif et objectif et surtout, de se fier à son propre opinion. Que serait le marché de la musique s’il n’était piloté que par les seuls décideurs en nombre : les auditeurs ? Étrange question, n’est-ce pas ?

Et vous ? Que choisiriez-vous de faire ? Suivre le groupe ou vous affirmer en tant qu’individu ?

Scorch x Taylor